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  • Géants de papier et autres yōkai

    Derrière l’Atelier Sentô, se cachent Cécile Brun et Olivier Pichard, les auteurs français du très bel album, Rêves de Japon (éd. Omaké Books). On les avait découverts grâce à leur manga Onibi (éd. Issekinicho), un manga à mi-chemin entre Occident et Orient. On y suivait les pérégrinations de Cécile et Olivier – évidemment les alter-egos de la dessinatrice et du scénariste – au pays du Soleil Levant et des yōkai, ces esprits qui abondent dans la tradition nipponne. Plusieurs pages sont consacrées à ce sujet (cases, crayonnés, études). Pour leur livre Rêves de Japon, le voyage se fait hommage dépaysant, grâce à des illustrations nombreuses et un texte français traduit en anglais et en japonais.

    Les deux acolytes de l’Atelier Sentô parlent de leur fascination pour un pays attachant, riche, complexe et infiniment séduisant. Ce qui intéresse Cécile Brun et Olivier Pichard est ce Japon multimillénaire qui a su conserver et jalousement défendre ses traditions et son folklore en dépit des son attachement à la modernité et aux technologies où il excelle.

    "Ces paysages éphémères, désormais lointains, se glissent dans nos rêves. Les yeux fermés, nous nous préparons à un nouveau voyage" disent les auteurs. La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée : une jeune femme en kimono, allongée au milieu d’un paysage oriental, regarde un papillon se poser délicatement au bout de ses doigts. Le lecteur a entre les mains un authentique livre poétique qui est aussi un chant d’amour pour le pays de Miyazaki. Le cinéaste, "un monument" fait d’ailleurs l’objet de plusieurs pages. 

    La couverture de l’ouvrage ne pouvait pas être mieux trouvée

    Rêves de Japon se veut aussi une déambulation dans un pays infiniment riche : les ruelles si typiques qu’elles semblent hantées, les jardins zen, les dagashiya, ces boutiques adorés par les enfants, les villages subtropicaux du sud du Japon ou les temples, identifiés par les torii, les emblématiques portails rouges.

    À côté des nombreuses pages consacrés aux yōkai ("Terreurs nocturnes"), ces fameux esprits semblant hanter jusqu’aux cités les plus modernes, les auteurs consacrent de nombreuses pages aux habitants et en particulier et aux enfants croisés au cours de leur pérégrinations, croqués non sans fantaisie – et fantastique : le lecteur s’arrêtera avec plaisir sur les délicates aquarelles, que ce soit la femme aux deux bouches, la renarde ou la lectrice au grand cou.

    Pour compléter sur cet album, le lecteur y trouvera quelques secrets de création de leurs auteurs ainsi que des planches de manga inédites ("Minicomic", "Komura", "Natsuko").

    Sur ce livre personnel à plus d’un égard, ce sont leurs auteurs qui en parlent le mieux : "Entre ombre et lumière, le Japon nous murmure des histoires".

    Atelier Sentô, Rêves de Japon, éd. Omaké Books, 2019, 217 p.
    http://ateliersento.com

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"
    "Aubusson tisse Miyazaki"

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  • La misère serait moins pénible au soleil

    Dee Dee Paradize de Roberto Garcia Saez (éd. Atramenta) est la deuxième partie du roman en deux volets se déroulant dans le milieu des ONG et de l’humanitaire international. Le premier tome, Un Éléphant dans une Chaussette, se déroulait dans les premières années des années 2000 et mettait en scène le fantasque, ambitieux et peu éthique Patrick Roméro.

    Lorsque le roman Dee Dee Paradize commence, nous sommes en 2009 et les choses se sont quelque peu calmées entre ce dernier et Paul Harrisson, le policier anglais qui avait jeté toutes ses forces pour faire tomber l’humanitaire, devenu son meilleur ennemi. Sauf que le scandale autour d’un contrat de traitements médicaux en République Démocratique du Congo n’a pas eu la déflagration qu’espérait le policier, maintenant casé au Foreign Office.

    Près de cinq ans plus tard,  Patrick Roméro s’est refait une virginité en Thaïlande où il œuvre toujours dans l’humanitaire, auprès d’une ONG, dirigée par "une grande dame", Sumalee, spécialisée dans la lutte contre le Sida. Voilà donc notre bouillant humanitaire replongeant dans une autre sombre affaire, ayant à voir avec une étude scientifique et surtout une fondation chrétienne américaine aux objectifs secrets et peu édifiants. 

    Roberto Garcia Saez poursuit son enquête dans le milieu de l’humanitaire international 

    Au même moment, un ancien informateur de Paul Harrisson en République Démocratique du Congo est retrouvé assassiné, après un rendez-vous avec un certain Dee Dee Paradize. Or, cet individu, un travesti haut en couleur, premier suspect dans cette affaire de meurtre que les autorités voudraient bien étouffer, est justement un ami, protégé – et accessoirement amant – de Patrick Roméro. Certain d’avoir une seconde carte en main pour faire tomber ce dernier, Paul Harrisson se lance dans cette affaire.

    Roberto Garcia Saez poursuit son enquête dans le milieu de l’humanitaire international même si ce second tome entre moins dans les arcanes des ONG, des parties diplomatiques et des manigances de l’ONU. La grande et bonne idée de l’auteur est de prendre le prétexte du meurtre d’un journaliste et informateur pour parler des sombres plans d’une église traditionaliste. Le héros de ce roman est là encore Patrick Roméro, toujours aussi complexe, même si l’affaire qui l’a touché des années plus tôt l’a aussi quelque peu humanisé. Voilà qui donne à Dee Dee Paradize un côté crépusculaire.

    Roberto Garcia Saez a construit un récit sur 460 pages – ce qui est finalement assez peu pour une histoire s’étalant sur 20 ans avec de multiples rebondissements et des personnages passionnants. Gageons que les aventures de Patrick Roméro auraient sans problème pu être enrichies de 250 pages supplémentaires sans perdre de leur grand intérêt. En attendant, voici une lecture passionnante pour la fin de cet été, sans oublier bien sûr le premier tome, Un Éléphant dans une Chaussette, toujours aux éditions Atramenta. Je vous en avais parlé ici.

    Roberto Garcia Saez, Dee Dee Paradize, éd. Atramenta, 2021, 230 p.
    https://www.atramenta.net/books/un-elephant-dans-une-chaussette/1054
    https://www.robertogarciasaez.com

    Voir aussi : "Les plus grands sous le plus petit chapiteau du monde"

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  • Comme un ouragan

    Et si l’on refaisait un petit retour en arrière ? Il y a trois ans, sortait le 2e album de Leïla Huissoud, Auguste. Sa découverte récente me donne l’occasion de vous encourager à découvrir un opus d’autant plus sincère qu’il revendique ses influences assumées : le jazz manouche mais aussi…  Georges Brassens.

    Il faut aussi préciser que la chanteuse était en tournée cet été, tournée marquée par son hospitalisation début août. On lui souhaite bien entendu un prompt et heureux rétablissement.  

    Revenons à Auguste, l’album qui la révèle d’ores et déjà comme une artiste au caractère bien trempé et à l’univers singulier. Celui de Leïla Huissoud est celui d’une saltimbanque se moquant des convenances et de l’académisme comme elle le dit dans "La mineure", le morceau qui clôture l’album : "Peut-être que je chanterai pas / La chanson qui vous a fait venir / Et les rappels, quand y'en a pas / C'est qu'j'ai plus rien à dire / Alors si mon art piège, je peux vous l'accorder / J'suis une merde en solfège, et pour la note / J'vous laisse payer."

    L’artiste, passée par The Voice, le résume dans cet autre titre, "La chianteuse" : "Papa, maman, j'me suis trouvé / Si un jour je grandi / Je serai grogneuse amplifiée / Pour gagner ma vie… / Une chieuse en un mot / Je serai chanteuse, applaudissez." La "chianteuse", qui a choisi l’exigeant chemin de l’exigence, le dit autrement dans "Les tours de rond-point" : "J'ai des projets de débutante / Des rêves pas plus hauts que la vie / Parce que les sommets font les pentes / Je préfère quand ils sont petits."

    Comme le titre de l’opus l’indique, les influences de Leïla Huissoud sont à voir d’abord du côté du cirque et de ces saltimbanques qui l’inspirent. C’est "La farce" et surtout "Auguste", qui est un des plus beaux hommages qui soit à ces personnages emblématiques des chapiteaux : "Ce sera Auguste, on choisit pas / De quel côté des rires on va / Moi j'ai pioché les doigts moqueurs / Qui vous pointent le cœur / La rime est simple mais j'hésite pas / Vous savez au bout d'un doigt".

    La "chianteuse" a choisi l’exigeant chemin de l’exigence

    Leïla Huissoud s’est entourée de musiciens pour colorer son album de jazz manouche ("La farce", "Auguste" ou "Écrit d'invention"). La musicienne a fait le choix d’instruments traditionnels et d’une orchestration ramassée (les tangos de "Caracole" et de "La chianteuse"), quand elle ne choisit pas l’option voix-instument solo : ce sont les cordes de "La chianteuse", le piano ("En fermant mes yeux") ou bien la guitare ("Lettre à la Suisse"). En parlant de guitare, il faut absolument mentionner l’hommage à Georges Brassens dans "Le vendeur de paratonnerre", dans un titre revendiquant son affiliation et dans le texte et dans la facture à l'auteur de L'Auvergnat – guitare sèche incluse.

    Voilà qui rend cet album si attachant, a fortiori lorsque Leïla Huissoud évoque ses rêves amoureux et personnels, que ce soit  "Un enfant communiste" en duo avec Mathias Malzieu, le récit d’une liaison éphémère ("En fermant les yeux") ou bien "Écrit d'invention". Le très beau morceau "Lettre à la Suisse" peut aussi bien s’écouter comme un hommage à sa Suisse d’adoption ("Froide comme une fille trop jolie / Qu'a forcément rien d'une battante / Je parle pas d'argent, ça c'est ton histoire / C'est tes finances, c'est tes connard") que comme une chanson d’amour ("C'est sûrement comme ça les étoiles / J'ai jamais pu le remercier / Le monsieur qui m'as fait venir chanter / Un mois de Janvier, à Lausanne / Grâce à lui, je t'ai découverte / Pleine de chansons et d'amitié / Ça fait pas long, l'effet de ma fenêtre".

    Enfin, il ne faut absolument pas passer à côté de ce joyau que sont "Jolies frangines", formidable hommage doux amer aux deux sœurs de Leïla Huissoud. Le titre a été récompensé par un mérité Prix Georges Moustaki en 2019 : "Ça fait longtemps qu’on nous a pas / Appeler en criant / « Les filles » : c’était nous trois / Même que ça semblait évident / Je me dis que j’aurais dû profiter / Quand on confondait nos prénoms / J’étais la petite sœur de mes aînées / La peste, le tourbillon".

    Auguste va bientôt fêter ses trois ans mais il est indubitablement à découvrir ou redécouvrir. Et on attend avec impatience le retour de Leïla Huissoud, en grande forme, bien entendu. 

    Leïla Huissoud, Auguste, Mad, 2018
    https://www.leilahuissoud.com
    https://www.facebook.com/LeilaHuissoudofficiel

     
    Voir aussi : "Leïla Huissoud, la « chianteuse »"

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