Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bla Bla Blog - Page 323

  • Encore quelques lignes sur l'Iran

    En complément de mon article sur le Carnet de voyage du Globecroqueur consacré à l'Iran, voici une citation que je ne peux m'empêcher de partager et publier :

    "Du lointain passé, le temps s'en est allé. En ces temps où ont disparu les longs bavardages nocturnes, elle revient parfois, l'odeur âcre qui coule au cœur de la vie. 

    Alors, le talon aiguille, rouge d'une passion ardente, dit d'une voix méprisante : que sais-tu de l'amour?" 

    Mahmud, Téhéran, été 2008

     

  • Le Globecroqueur en Iran

    Amateurs de guides de voyage, ce carnet de route sur l'Iran est pour vous. 

    Un voyage en Iran, dans le pays des ayatollahs, de la puissante République islamique chiite : étrange destination, me direz-vous. C'est pourtant ce qu'a entrepris Philippe Bichon, qui se surnomme lui-même le Grobecroqueur (il est l'auteur de plusieurs guides en Égypte-Syrie, en Inde et au Tibet).  

    Pourquoi l'Iran ? Alors que vient de se terminer une des plus longues batailles diplomatiques de ces dernières années, l'accord sur le nucléaire iranien, l'ancien royaume perse est en passe de s'ouvrir au monde, via notamment le tourisme. Dans son dernier numéro, le magazine Carto fait un focus sur le nouvel engouement de cette destination depuis l'arrivée au pouvoir de Hassan Rohani (2013). Ainsi, nous apprenons que le tour-opérateur Clio a enregistré 40 % de réservations supplémentaires entre mai et décembre 2013, qu'entre 2003 et 2013 le nombre de visiteurs a triplé dans la République des mollahs et que les retombées économiques y ont crû de 7,4 % en 2014. 

    Mais revenons à ce carnet de voyage de Philippe Bichon. Ce dernier y relate son périple touristique en Iran, durant l'été 2008, alors que ce pays était en pleine crise nucléaire, derrière Mahmoud Ahmadinejad. Mieux qu'un livre, le Globecroqueur nous offre une restitution plus vraie que nature de son cahier de route : dessins, aquarelles et croquis reproduits, journal fidèle imprimé à laide d'une police de caractère de type manuscrite ("au nom prédestiné de "Philippe"", précise l'auteur), insertion de témoignages (avec leurs traductions) d'Iraniens ou de voyageurs ayant croisé le chemin du baroudeur, ouvrage agencé en deux parties afin de retrouver l'esprit des deux cahiers originaux reliés en fin de voyage chez un artisan de Téhéran.

    Au final, l'objet que le lecteur découvre est un bijou graphique, élégant, original : une rareté éditoriale. Le contenu est à l'avenant : avec précision et passion, le Globecroqueur nous fait vivre en détail les étapes de son périple d'un mois dans un pays moins connu pour ses joyaux touristiques que pour ses crises internationales. 

    Les cinq semaines de voyage nous font découvrir tour à tour Shiraz et le mausolée de Shah-e-Cheragh, son bazar ou la mosquée Jameh Ye Atigh, Persépolis et ses vestiges antiques, Kerman et le bazar Vakil, Rayen et sa citadelle en pisé, Mahan et le Aramgah-e Shah ou le mausolé du derviche Ne'matollah Vali, Yazd et la Jameh Masjed (Mosquée du Vendredi), classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO, son Musée de l'Eau ou ses badgirs (citernes d'eau), Kharanaq et son étonnant minaret vacillant, Meybod et sa citadelle en ruine ou Ardakan, ville typique en pisé. Il nous fait également visiter par procuration Kashan et son caravansérail ou ses "historical houses" (la Khan-e Abbasin, la Khan-e Borujerdi ou la Khan-e Tabatabai), les villages typiques comme Abyaneh ou Cham, un site consacré au zoroastrisme, religion antique tolérée par la République islamique. 

    Huit jours de ce voyage sont consacrés à Ispahan, ville mythique perse qu'un vers du XVIe siècle surnommait "la moitié du monde". Cette mégapole d'un million et demi d'habitants regorge de merveilles sur lesquelles s'arrête longtemps le Globecroqueur : Naqsh-e-Jahan, la plus grande place du monde après celle de Tien Anmen (512 mètres sur 160), le bazar d'Ispahan, la mosquée du Shah, le palais Chehel Sotun, celui de Hasht Behesht (Huit Paradis), la medersa Chahar Bagh, la mosquée Jameh, les rives de la Zayandeh ou le quartier arménien de Jolfa avec la cathédrale de Vank. C'est surtout à Ispahan que se révèle l'art perse des fresques, des miniatures, de la faïence ou de la mosaïque.

    Le voyage du Globecroqueur se termine par la capitale, Téhéran : ville moderne, foisonnante et passionnante avec le palais de Sa'd Abad, l'ancienne résidence du Shah (avec les fameuses bottes de bronze, symboles de la chute de l'ancien régime), la Tour Azadi commémorant en 1971 les 2500 ans de l'empire perse, l'Iran Bastan, le musée archéologique de Téhéran, le bazar, la Shah Masjed ou les excursions vers le belvédère surplombant Téhéran, non loin du Tochal et ses 3964 mètres de haut.

    Mais Philippe Bichon n'est pas ce baroudeur "bouffeur de kilomètres" – comme un de ces touristes français qu'il croise et qui n'hésite pas à dire tout le mal qu'il pense des journaux de voyage ! – mais un homme ouvert et curieux, avide de comprendre la société iranienne. Ce n'est pas la moindre des qualités de ce carnet de route que de faire oublier l'image obscurantiste de l'État chiite. Certes, les tchadors, les Pasdaran (Gardiens de la Révolution), les affiches de propagande montrant côte à côte Khomeiny et Khameney, les arrestations pour cause de voile pas assez couvrant et les interdictions religieuses absurdes existent et choquent le voyageur occidental. Mais ce que le lecteur français découvre c'est la véritable facette de la société iranienne : l'hospitalité, l'ouverture d'esprit, la générosité et la soif de liberté. Le Globecroqueur n'est pas avare en détails sur les anecdotes de ses voyages et sur la vie quotidienne des Iraniens qu'il rencontre : la cuisine locale (le byriani, le tacheen, le dough ou les glaces dont les Iraniens sont friands), la passion nationale pour le pique-nique, la musique, réprimée par les ayatollahs mais paradoxalement omniprésente, les bornes de solidarité, les problèmes administratifs et la vie sociale particulièrement riche.  

    Et derrière cette vie riche, il y a aussi et surtout ces Iraniennes et ces Iraniens croisés, que ce soit Saleh, Mahmud, Azadeh, Hediye, Amir, Samar, Rassoul, Nasim, Narguess ou Hamid. Les témoignages que beaucoup ont laissé dans le carnet de voyage du Globecroqueur est un supplément d'âme à ce guide qui est une vibrante invitation à découvrir l'Iran, ses joyaux, sa culture et ses habitants.   

    Philippe Bichon, Carnet de Route : Iran, éd. BleuEdition, Pau, 2009
    Des extraits de ce guide en libre consultation

    www.globecroqueur.com
    phil@globecroqueur.com
    T. Chabre, "L'Iran à l'heure de la diplomatie du tourisme", Carto, juillet-août 2015
    "Encore quelques lignes sur l'Iran"

    Article dédicacé à Brigitte, Ali, Tania et Sacha

     
    France3 Pau - Philippe Bichon - exposition... par Philippe_Bichon

  • Un été meurtrier

    Depuis quand n'a-t-on pas vu de polar français au caractère aussi bien trempé que L'Été meurtrier ?

    Les raisons de ce succès cinématographique de ce film de 1982 tient d'abord au scénario adapté du roman de Sébastien Japrisot, qui l'avait d'ailleurs écrit pour Jean Becker. Convaincu par le livre, le  réalisateur releva le défi.

    L'autre ingrédient capital de ce long-métrage noir et sulfureux tient son actrice principale. Isabelle Adjani tenait là l'un de ses plus beaux rôles : femme fatale autant que meurtrie, celle que l'on surnomme "Elle" se sert de son physique pour faire tourner les têtes des hommes du village et fomenter une vengeance contre un village qu'elle hait plus que tout. Star au zénith, Isabelle Adjani qui recevra un César pour ce rôle, est entourée dans L'Été meurtrier d'acteurs qui font plus que tirer leur épingle du jeu. Suzanne Flon sera elle aussi récompensée pour son rôle de "Cognata". Citons aussi Alain Souchon, Pin-Pon dans le film, le pompier sans histoire et naïf qui va devenir le jouet de l'érinye provinciale. Un autre second rôle brille par sa présence, François Cluzet (Mickey), qui tournait là son cinquième film. 

    Mais en dehors de ces brillants personnages, de cette histoire de souffre, de pleurs et de sang, de son actrice glamour au sommet de son art, soulignons l'autre grande qualité du film : la plongée dans un village provençal ordinaire des années 70, avec des habitants simples, bien loin de certains archétypes du polar à la française qui inonde petits et grand écrans. C'est en cela aussi que le caractère bien trempé de L'Été meurtrier détonne.

    L'Été meurtrier, film de Jean Becker, avec Isabelle Adjani, Alain Souchon,
    Suzanne Flon et François Cluzet et Michel Galabru, 1982, 130 mn 

  • A propos de ce blog

    15 août 2007 : création de ce blog.

    15 août 2014 : son rafraîchissement pour en faire un journal critique.

    Un double anniversaire qui valait bien un court article.

  • Encore une histoire de censure

    Il avait été question dans ce blog d'une représentation pour le moins "cavalière" de l'ancien roi d'Espagne Juan Carlos, en fâcheuse posture (Ines Doujak, Not Dressed for Conquering / Haute couture). Cette sculpture avait subi les foudres du pays et nombre de citoyens hispaniques  s'étaient élevés contre cette œuvre (voir cet article)

    Or, il est encore question de censure ici, et de nouveau dans un pays démocratique. Et là encore, cette création a des visées politiques. L'artiste en question se nomme Makoto Aida. L'objet du délit est une vidéo présentée au Musée d'Art Contemporain de Tokyo (MOT) dans lequel l'artiste imite le premier ministre japonais Shinzo Abe, mais également une bannière verticale sur laquelle figurent des revendications politiques : recrutement de plus de professeurs et allègement des cartables. "Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas une oeuvre politique. Il n'y a pas un mot ni une expression qui vise plus particulièrement le régime actuel ou tel parti. Ce ne sont que des remarques d'ordre général à l'attention d'une structure nommée ministère de l'Education", s'est défendu Makoto Aida, par ailleurs connu pour ses créations engagées et volontairement provocatrices.

    Rien de très choquant en comparaison de son homologue de Barcelone. Sauf que le MOT a fermement invité l'artiste a enlever ou modifier ses œuvres jugées critiques par le gouvernement, et qui ont été ensuite relayées par le musée public. 

    "L'artiste Makoto Aida censuré par le Musée d'art contemporain de Tokyo",
    Le Figaro, 30 juillet 2015

     

  • Le Caravage ressuscité en BD

    S'attaquer en BD à un peintre de l'envergure du Caravage est à la fois excitant et casse-gueule. Comment un dessinateur contemporain peut-il se réapproprier la vie et surtout l'œuvre graphique d'un géant de la peinture, décrié à son époque et admiré de nos jours ? C'est le pari de Milo Manara, un pari gagné avec maestria.

    Le premier tome de cette aventure littéraire commence aux 21 ans du jeune Michelange Merisi, originaire du Caravage, un village de la région de Bergame. Nous sommes en 1592. Faire l'impasse sur les jeunes années du futur peintre maudit tient au fait que l'on sait peu de ses années d'apprentissage à Milan. Celui que l'on surnommera Le Caravage s'est déjà fait déjà connaître par "l'élégance et la légèreté" de quelques œuvres de jeunesse (Vénus, Cupidon et les deux satyres). Mais la bande dessinée de Manara passe sous silence cette période.

    Elle choisit de mettre en scène le peintre lorsqu'il arrive à Rome, une Rome ressuscitée, glauque, dangereuse et fascinante. C'est dans cette ville que Michelange Merisi côtoie les puissants et ses futurs mécènes, les ateliers d'artistes mais aussi la frange de la société – indigents, marginaux, petits filous, grands criminels et prostituées. Le Caravage a puisé dans son inspiration auprès des rejetés de tout bord. Au final, il a été souligné combien ses peintures brillent par leur réalisme noir, leur naturalisme, le sens du mouvement et du détail et aussi leur sensualité – une sensualité d'ailleurs très présente dans cette BD.

    Parce qu'il s'agit d'un biopic, le lecteur aurait pu craindre que cette bande dessinée ne soit centrée que sur les démêlés de l'artiste avec la justice de son époque. Milo Manara ne cache certes rien des crimes dont on a pu accuser Le Caravage, autant à l'aise dans les palais archiépiscopaux que dans les bordels romains, et souvent prompt à se battre. Cependant, le principal intérêt de cette biographie graphique est de montrer le travail du peintre, ses inspirations et le contexte de ses tableaux les plus célèbres. Et la magie opère !

    Non content de se réapproprier les tableaux les plus fameux du Caravage, en les reproduisant sur planches avec fidélité, Milo Manara ressuscite le peintre dans son atelier mais aussi ses modèles : le Jean-Baptiste au mouton devient le jeune protégé Mario Minniti ; la Vierge Marie du Repos pendant la fuite en Egypte prend vie sous la forme d'une prostituée, Anna, qui posera également pour un autre de ses tableaux La Mort de la Vierge.   

    Plus qu'une simple BD, Ce Caravage fera référence en ce qu'il constitue une excellente introduction à un artiste majeur de la peinture occidentale.

    Milo Manara, Le Caravage, tome 1 La Palette et l'Épée, éd. Glénat, 2015
    "Le Caravage, tome 1", Publikart.net


  • Étrange affaire

    L'âge d'or de la série télévisée que nous traversons – car il s'agit bien d'un âge d'or à l'échelle mondiale, alimenté essentiellement par de grandes chaînes américaines (HBO, Showtime pour l'essentiel) – nous offre régulièrement des créations originales tenant la dragée haute aux productions cinéma.

    Prenez The Affair, dont la chaîne Canal+ diffuse en ce moment la première saison. Il est question dans cette série (dont je n'ai pu voir pour le moment que les premiers épisodes) d'une histoire d'adultère somme toute tristement banale et cruelle. Noah Solloway  (interprété par Dominic West), professeur d'université new-yorkais et romancier coule une vie ordinaire avec sa femme et ses quatre enfants. Le spectateur découvre la vie trépidante et pas toujours drôle de cette famille bien installée : deux adolescents insupportables et cruels (une scène de "suicide" au début du premier épisode est digne de rester légendaire !), deux enfants en bas âge très – trop – envahissants, une femme sûre d'elle mais sans grande fantaisie (et un  brin castratrice), un beau-père à l'autorité pesante. C'est d'ailleurs chez ce fameux beau-père riche et influent grâce à sa réussite dans le monde des livres et du cinéma, que toute cette petite famille se retrouve pour des vacances estivales, à Montauk. Dans cette station balnéaire, Noah fait la connaissance d'Alison Lockhart (Ruth Wilson), une jeune femme, mariée elle aussi. Cette simple serveuse tente de se relever d'un terrible deuil – la mort d'un enfant quelques années plus tôt. Le coup de foudre est annoncé entre ces deux personnes que tout semble opposé – un homme brillant à la réussite apparente et une femme modeste et brisée.

    Voilà un pitch apparemment classique. Sauf que les partis pris plutôt audacieux des auteurs de cette série méritent que l’on s’intéresse à The Affair.

    Tout d'abord, l'histoire de cette liaison est commentée par les deux protagonistes dans un commissariat de police, devant un inspecteur bienveillant. Le titre de cette série, comme d'ailleurs les dialogues en off, indiquent que ce dont il est question est une affaire – crime, accident ou suicide ? – dont le spectateur ignore tout, si ce n'est que Noah et Alison sont a priori interrogés en tant que témoins. L'autre parti pris, bien plus original, est de proposer dans chaque épisode deux versions des mêmes événements considérés du point de vue des deux protagonistes. Des versions sensiblement différentes, se jouant parfois sur des détails. Où est la vérité de cette étrange affaire ? Réponse à la fin de cette saison... ou pas.     

    The Affair, saison 1, Canal+

    Article publié précédemment le 3 novembre 2014

  • Les films que vous ne verrez jamais

    L'histoire du cinéma est riche de ces films qui n'ont jamais vu le jour... Plus que dans n'importe quel art, il existe une histoire alternative et parallèle du cinéma qui a vu des passionnés s'intéresser à des films qui ne sont jamais sortis. L'ouvrage de Simon Braund, Les plus grands Films que vous ne verrez jamais, fait le point sur ces projets avortés.

    Les raisons de ces œuvres inabouties sont diverses : décès du réalisateur, désaccords entre artistes et producteurs, contextes historiques et sociologiques, adaptations impossibles ou projets trop ambitieux pour être menées à bout.

    En introduction, l'auteur rappelle avec justesse que la sortie d'un film est en soi un miracle, tant la difficulté est grande de voir un scénario prendre vie sur grand ou sur petit écran. Le long-métrage Les Dents de la Mer (1975) est cité en exemple : scénario mal ficelé, budget dépassé, metteur en scène inexpérimenté (Steven Spielberg n'en était qu'à son deuxième film), effets spéciaux défaillants, techniciens et acteurs peu motivés et instillant une ambiance délétère sur les plateaux. Et pourtant, au final, Les Dents de la Mer a connu le succès exceptionnel que l'on connaît et propulsé son réalisateur comme un artiste majeur.

    Mais à côté de ce succès, ce livre répertorie ces films qui n'ont jamais vu le jour : le Napoléon de Charlie Chaplin (Return from St Helena), un Jésus de Carl Dreyer (1949), La Genèse de Robert Bresson (1963) - l'un des rares réalisateurs français cité dans ce livre avec Henri-Georges Clouzot pour L'Enfer (1964) -, La Tempête de Michael Powell (1975), Dune d'Alejandro Jodorowsky (1977), Night Skies de Steven Spielberg (1980), Moon Over Miami de Louis Malle (1982), Leningrad de Sergio leone (1989), Nostromo de David Lean (1990), Crusade de Paul Verhoeven sur lequel a également travaillé Arnold Schwarzenegger (1995), Superman Leaves de Tim Burton (1998), Batman: Year One de Darren Aronofsky (2000), To the white Sea des frères Cohen (2002), The Lady from Shangai de Wong Kar-wai (2005), Gladiator 2 de Ridley Scott (2006) ou Potsdamer Platz de Ridley Scott. Ce sont quelques-uns des titres de films qui ont failli voir le jour mais qui ont été abandonnés (provisoirement ou définitivement) par leurs créateurs.

    Parmi les auteurs maudits figure en bonne place Orson Welles dont les projets cinématographiques ont été, hélas, légion : It's all True (1942), Don Quixote (1969), Le Marchand de Venise (1969), The Other Side of the Wind avec John Huston et Dennis Hopper (1973) et The Cradle with Rock (1984) 

    Dans toute cette liste de films inachevés, très souvent de réalisateurs confirmés, il en ressort quelques-uns du lot, en raison de leur histoire légendaire. 

    Tout d'abord le Napoléon de Stanley Kubrick, sur lequel le réalisateur, réputé pour sa mégalomanie et son sens du détail, travailla à partir de 1969, et pendant des années, avant de jeter l'éponge, victime du budget colossal envisagé et des désaccords des studios. "Napoléon aurait été un film extraordinaire", soupire l'auteur (voir aussi notre Dossier spécial Kubrick qui fait notamment le point sur les autres films en projet du réalisateur américain).

    Un autre film est entré dans l'histoire : Something's Got to Give de George Cukor avec Marilyn Monroe, décédée pendant le tournage (1962). 37 minutes ont été dévoilé au public en 1990 et l'auteur ne désespère pas que la magie des effets spéciaux numériques permettra un jour de voir le film terminé.

    Les fans de Hayao Miyazaki seront sans doute surpris d'apprendre que le réalisateur japonais a eu pour projet en 1971 de réaliser une adaptation du classique Fifi Brindacier (La Fille la plus forte du Monde). Encore peu connu à l'époque, Miyazaki se voit déposséder de ses droits à l'adaptation par l'auteure elle-même, Astrid Lindgren. Cependant, ajoute Simon Braund, tous les films de l'animateur semblent s'inspirer de la célèbre fillette à la force surhumaine.  

    On ne peut pas passer non plus sous silence le projet de science-fiction A Princess of Mars de Bob Clampett (1936). Une adaptation sera finalement faite par les studios Disney sous le titre John Carter (2012), qui sera aussi l'un des plus grands bides de l'histoire du cinéma.

    De tous les films répertoriés, il en est un qui un sort particulièrement du lot. Et paradoxalement, il s'agit d'un long-métrage qui a été terminé, existe en copie mais que le public ne verra sans doute jamais. Il s'agit de The Day the Clown Cried de Jerry Lewis. Tourné en 1972, ce drame interprété par Jerry Lewis lui-même, suit les pérégrinations d'un clown allemand pendant la seconde guerre mondiale, chargé de distraire des enfants que l'on conduit vers les chambres à gaz. Cette histoire a des points communs avec La Vie est belle de Roberto Benigni (1997). Mais elle en diffère par son traitement caricatural qu'en aurait fait le réalisateur et acteur (le conditionnel est de mise, tant sont peu nombreuses les personnes qui ont visionné le film de Lewis) : "Un film radicalement choquant au pathos et à l'humour déplacés" a t-on pu entendre au sujet de ce "film culte le plus extraordinaire que vous ne verrez jamais.

    Concis et passionnant, l'ouvrage de Simon Braund nous gâte avec deux trouvailles éditoriales géniales. Tout d'abord, chaque film est illustré par des affiches conçues par des designers et des illustrateurs, donnant vie à ces projets qui n'ont jamais vu le jour (en illustration de cet article figure une représentation de The Lady from Shangai de Wong Kar-wai). Ensuite, l'auteur nous propose, sur une note de 0 à 10, la chance qu'a chaque film de sortir un jour.

    On pourra certes critiquer l'aspect arbitraire et subjectif de ce choix mais il reste tout de même intéressant en ce qu'il nous propose quelques beaux projets à venir : Ronnie Rocket de David Lynch, Megalopolis de Francis Ford Coppola, The Captain And The Shark de Barry Levinson, White Jazz de Joe Carnaham, Black Hole de David Fincher (une adaptation de la BD de Charles Burns), The Trial of the Chicago Seven de Spielberg mais aussi Franck or Francis de Charlie Kaufman, qui "a plus de chances de sortir que n'importe quel autre film de ce livre."

    À noter que depuis la sortir de ce livre (en 2013) le film satirique et "maudit" Nailed de David O. Russell devrait finalement sortir en 2015 sous le titre Accidental Love, avec comme réalisateur un certain Stephen Greene, alias David Russell qui a porté cette oeuvre contre vents et marées : un film qui ne devait jamais sortir et que finalement nous pourrons voir. 

    Simon Braund, Les plus grands Films que vous ne verrez jamais, éd. Dunod, 2013