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adjani

  • Un été meurtrier

    Depuis quand n'a-t-on pas vu de polar français au caractère aussi bien trempé que L'Été meurtrier ?

    Les raisons de ce succès cinématographique de ce film de 1982 tient d'abord au scénario adapté du roman de Sébastien Japrisot, qui l'avait d'ailleurs écrit pour Jean Becker. Convaincu par le livre, le  réalisateur releva le défi.

    L'autre ingrédient capital de ce long-métrage noir et sulfureux tient son actrice principale. Isabelle Adjani tenait là l'un de ses plus beaux rôles : femme fatale autant que meurtrie, celle que l'on surnomme "Elle" se sert de son physique pour faire tourner les têtes des hommes du village et fomenter une vengeance contre un village qu'elle hait plus que tout. Star au zénith, Isabelle Adjani qui recevra un César pour ce rôle, est entourée dans L'Été meurtrier d'acteurs qui font plus que tirer leur épingle du jeu. Suzanne Flon sera elle aussi récompensée pour son rôle de "Cognata". Citons aussi Alain Souchon, Pin-Pon dans le film, le pompier sans histoire et naïf qui va devenir le jouet de l'érinye provinciale. Un autre second rôle brille par sa présence, François Cluzet (Mickey), qui tournait là son cinquième film. 

    Mais en dehors de ces brillants personnages, de cette histoire de souffre, de pleurs et de sang, de son actrice glamour au sommet de son art, soulignons l'autre grande qualité du film : la plongée dans un village provençal ordinaire des années 70, avec des habitants simples, bien loin de certains archétypes du polar à la française qui inonde petits et grand écrans. C'est en cela aussi que le caractère bien trempé de L'Été meurtrier détonne.

    L'Été meurtrier, film de Jean Becker, avec Isabelle Adjani, Alain Souchon,
    Suzanne Flon et François Cluzet et Michel Galabru, 1982, 130 mn 

  • Suprême Alka

    Alka sort cette semaine un clip pour son titre D'un amour à l'autre, issu de son premier album, opportunément nommé La Première fois (2013). Ce clip est visible à la fin de cet article et sur ce lien.

    Avant son arrivée fracassante sur la scène musicale, Alka Balbir n'était pas une inconnue : mannequin et actrice, elle avait été vue dans plusieurs longs et courts métrages. 

    Pour cette première réalisation musicale d'Alka, Benjamin Biolay est aux manœuvres. De A à Z, on retrouve la griffe et la sophistication du plus gainsbourien des artistes français. Cette remarque est d'autant plus vraie qu'Alka se révèle être une incarnation parfaite... d'Isabelle Adjani, une des nombreuses muses de Serge Gainsboug. 

    L'album d'Alka s'ouvre par le sombre, puissant et rythmé Bâtards suprêmes, à l'image du clip  tourné pour l'occasion. Ce titre mélodique à souhait nous parle des reclus et des rejetés de la société : "On est la rangée du fond / On est la télé du salon / On prône l'amour vagabond / On finira tous moribonds / (...) Bien fait pour toi / Bien fait pour moi". Le titre suivant poursuit cette même veine sombre : La vie par les deux bouts, moins enlevé, plus sec, plus houellebecquien aussi, semble clore cette première partie engagée. 

    Dans les tes titres suivants, c'est surtout d'amour dont il est question, d'amour et de séparation : Pas la peine de dire adieu, à la mélodie entêtante et syncopée, se veut la constatation d'une rupture, froidement et non sans un humour grinçant : "Puis t'es venu / Et là tu pars / Hier encore je caressais ta peau nue / Te voilà sur le départ / ... Reprend ton putain de ciel bleu..." Il est encore question d'amour impossible et vain dans le fameux D'un amour à l'autre. Soutenu par un rythme enlevé, une mélodie finement ciselée et une orchestration pop soignée. Alka met sa voix complètement à nu. C'est sur ce titre qu'elle se révèle la réincarnation vocale d'Isabelle Adjani. Les internautes curieux découvriront sur ce lien une interprétation acoustique réussie de ce morceau. 

    Tu m'aimes mal démarre comme une bleuette, avant de prendre son envol : "Tu m'aimes / Mal / Mais même / Sale / Même coûte que coûte / Même vaille que vaille". Les talents mélodiques de Biolay font merveille. Je m'en veux, peu convainquant, offre tout de même une jolie respiration musicale avant le formidable Qui je suis. Comme pour pour D'un amour à l'autre, l'influence de Gainsbourg et Adjani est criante dans cette chronique d'un amour fusionnel et cruel : "Toi qui sait tout à fait qui je suis / Toi qui vis au travers de ma vie / Toi qui fuis les mystères de l'ennui / Toi qui nuit gravement à ma vie". Alka se livre presque intimement, avec une voix tendue et sensuelle. Qui ne verrait pas une lointaine parenté avec le Pull Marine ? Le clip de cette chanson est visible ici.

    Dans La première fois, qui donne le titre de l'album, il est encore question de rupture, de ces premières fois déçues – et des dernières fois. Te satisfaire  offre la particularité d'être une déclaration d'amour enflammée et érotique. Il est également question d'érotisme dans La main dans le sac, qui est le constat d'un adultère : "Et toi / Oui toi / Où as-tu passé la nuit dernière ? / Et toi / Oui toi / Tu sens la femelle le foutre et la bière." Si l'influence de Gainsbourg peut être présente, disons qu'il s'agit du Gainsbourg des dernières années : noir, rugueux et provocateur.

    Ces deux titres précèdent la formidable ballade Besoin d'autre chose, où il est, de nouveau, question de séparation. La voix fragile d'Alka, soutenue sobrement par un piano, constate la fin d'un amour et encourage le départ de l'homme qu'elle aime à la quitter : "Va t-en si tu l'oses / Reprend la vie en rose / T'as besoin d'autre chose". Alors que Benjamin Biolay excelle là encore dans l'art de créer une mélodie inoubliable, l'interprète se livre avec une fragilité bouleversante, au bord de la rupture. L'album se clôt avec la reprise Les gens bien élevés, à l'origine une chanson interprétée par une autre muse de Gainsbourg, France Gall (cf. ce lien ici). Alka se fait cette fois mutine pour dire tout le mal – mais avec élégance ! – de son petit ami et surtout de celle qui le lui a volé : "Il est parti avec ma meilleure amie / Il l'appelle Mon petit Lutin / Mais c'est une jolie... / Qui a déjà vu passer sur son chemin la diligence l'autobus et le train... / Oui mais on ne s'est pas fâchés... / On est / Entre gens bien élevés."

    Cet album sombre et pessimiste se termine sur ce sourire. Que demander de mieux pour La Première Fois ? Une toute première fois réussie, avec la naissance d'une artiste majeure de la chanson. Je prends les paris.

    Alka, La première fois, Naïve Music/Naïve, septembre 2013