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presse

  • Pugnace gaijin

    C’est la série coup de cœur du moment pour Bla Bla Blog, et elle est visible sur Canal+. Tokyo Vice est d’abord l’adaptation de l'autobiographie du journaliste Jake Adelstein : Tokyo Vice: An American Reporter on the Police Beat in Japan. Sorti en 2009, ce document est une plongée dans le milieu du journalisme japonais, avec un jeune Américain recruté au sein du grand quotidien tokyoïte Yomiuri Shimbun.

    Fort de ses connaissances en japonais, le "gaijin" ("étranger") parvient difficilement à se faire une place. Car, outre l’exigence du recrutement du journal, il aussi faut compter sur le travail, la pression de la hiérarchie mais aussi la culture du pays où le racisme est présent. Bien décidé à se faire une place au soleil – levant – Jake met à profit sa pugnacité après un premier meurtre que la police souhaite étouffer. Le chemin du journaliste expatrié croise la route d’une hôtesse de club, Samantha. Il semble que la mafia japonaise y ait aussi ses entrées.   

    Tokyo Vice a été coproduit par Michael Mann qui a d’ailleurs réalisé le premier épisode

    Une fois n’est pas coutume, la mise en place du récit est passionnante : l’épisode pilote est une formidable plongée dans la société japonaise. Le téléspectateur suivra avec passion Jake Adelstein, joué par le formidable Ansel Elgort (Divergente, Nos Étoiles Contraires, West Side Story), dans le rôle du jeune journaliste américain tentant de s’intégrer envers et contre tous dans un milieu pour le moins méfiant vis-à-vis de ce "gaijin" blanc et occidental, à la fois brillant, sérieux et courageux.

    Ken Watanabe (Le Dernier Samouraï, Batman Begins, Inception) est l'autre star de la série, dans le rôle d’un inspecteur japonais engagé dans une lutte sans merci contre les puissants yakusas.

    Et si je vous dis enfin que Tokyo Vice a été coproduit par Michael Mann (Heat, Ali, Collateral), qui a d’ailleurs réalisé le premier épisode, voilà qui devrait vous finir de convaincre de foncer vers la chaîne cryptée pour découvrir cette petite merveille policière. Dépaysement garanti. 

    Tokyo Vice, série policière américano-japonaise de J. T. Rogers, avec Ansel Elgort, Ken Watanabe
    Rachel Keller, Hideaki Itō, Ella Rumpf, Show Kasamatsu,
    Tomohisa Yamashita et Rinko Kikuchi, 2022, une saison, 8 épisodes, HBO, Canal+

    https://www.canalplus.com/series/tokyo-vice/h/19589470_50001

    Voir aussi : "L’autre Ragnarök"

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  • Bien rater sa vie à Paris

    Vite, il est plus que temps de faire une séance de rattrapage avec l’adaptation des Illusions perdues de Balzac, disponible en ce moment sur Canal+ ! Un classique qui a sans doute traumatisé beaucoup de scolaires, impressionnés par ce roman ambitieux, mais qui devient grâce au génie de Xavier Giannoli une fresque passionnante. Oui, vous avez bien lu : "génie"… Car il en fallait pour réussir à condenser dans un long-métrage d’environ deux heures 20 les affres d’un jeune homme ambitieux et surtout très naïf et qui croyait pouvoir devenir un loup au milieu des loups.

    Disons-le aussi : sept Césars reçus en 2022, dont celui du meilleur film, est une preuve de l’excellence d’un long-métrage qui refuse l’académisme, tout en respectant les canons de la reconstitution historique et l’adaptation littéraire. Xavier Giannoli fait preuve d’une modernité étonnante, même pour un récit se déroulant durant la Restauration française.

    Dans les années 1820, le jeune Lucien de Rumbempré, orphelin désargenté travaillant dans une imprimerie en Charentes, rêve de carrière littéraire. Il a sorti un modeste recueil de poésie, remarqué par Louise de Bargeton, une aristocrate de la noblesse provinciale. Elle voue à ce garçon sensible une belle admiration, avant de tomber dans ses bras. Pour éviter le scandale d’un adultère, Julien et Louise partent à Paris, ce qui serait aussi l’occasion pour l’écrivain en herbe de rencontrer des éditeurs. C’est le monde de la presse écrite qui lui ouvre les bras grâce à un rédacteur aussi cynique qu’ambitieux, Étienne Lousteau. Les deux deviennent amis et Lucien de Rubempré commence à se faire un nom. Mais le jeune poète oublie que dans le monde huppé de la bonne société parisienne, tout n’est qu’illusions, hypocrisie, calculs et coups bas.  

    Un superproduction prenant par moment des accents scorcesiens

    Nous avions parlé d’Eugénie Grandet et de l'honorable adaptation qu’en avait fait Marc Dugain en 2021, la même année bizarrement que Les Illusions perdues de Xavier Giannoli. Alors que le premier misait sur le quasi-huis-clos, sur l’austérité et sur des tons grisâtres, le second fait de son film une fresque luxuriante, grinçante, colorée et menée tambour-battant. Il faut dire que l’histoire de Julien de Rubempré, jeune provincial à peine dégrossi mais désireux de se faire un nom à Paris, se prêtait à cette superproduction prenant par moment des accents scorcesiens.  

    Le scénario modernise le roman, avec des clins d’œil à l’actualité contemporaines que le spectateur pourra facilement deviner, alors que le texte de Balzac, certes retravaillé, est mis à l’honneur grâce à la voix off de Xavier Dolan. Benjamin Voisin, avec son visage lumineux, "est" Julien de Rubempré, dans toute sa candeur et son enthousiasme. Ambitieux, oui. Mais un ambitieux devenant vite une proie en raison de choix pour le moins hasardeux.

    Illusions perdues se paie le luxe de seconds rôles prestigieux qui prennent un réel plaisir à être dans cette œuvre balzacienne : Cécile de France en Louise de Bargeton, femme amoureuse blessée et ne sachant plus comment gérer son insaisissable amant ; Jeanne Balibar en marquise et mante religieuse redoutable ; Xavier Dolan en écrivain émergeant et dont l’évolution n’est pas la moins inintéressante ; Gérard Depardieu en éditeur… et "épicier". Le spectateur français découvrira sûrement Salomé Dewaels, parfaite dans le rôle de Coralie, cette comédienne de boulevard, paradoxalement l’une des seules personnes romantiques de ce drame cruel. N’oublions pas enfin le formidable Vincent Lacoste qui a été récompensé par un César pour son interprétation d’un éditeur tour à tour cynique, ambitieux, drôle et impitoyable.

    Grâce au film de Giannoli, les allergiques à Balzac vont trouver dans cet écrivain majeur de la littérature mondiale de nouvelles raisons de se replonger dans sa Comédie humaine

    Illusions perdues, drame de Xavier Giannoli, avec Benjamin Voisin, Cécile de France,
    Vincent Lacoste, Xavier Dolan, Salomé Dewaels, Jeanne Balibar,
    Louis-Do de Lencquesaing et Gérard Depardieu, 2021, 150 mn, Canal+

    Honoré de Balzac, Illusions perdues, éd. Folio Gallimard, 960 p.
    https://www.gaumont.fr/fr/film/Illusions-perdues.html
    https://www.canalplus.com/cinema/illusions-perdues/h/17230453_40099

    Voir aussi : "Eugénie Grandet, classique et moderne"
    "Corpus delicti"

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  • Sans-culotte, sans dessins

    Sans culotte.jpgDepuis les attentats de Charlie-Hebdo, les journaux sont sous le choc et ont réagi à leur manière à l'attentat et aux atteintes aux libertés d'expression. Parmi ces revues, le journal  satirique Sans-Culotte 85 a voulu marquer le coup. 

    Ce "canard vendéen qui ne joue pas les fayots" entend être le poil à gratter d'un Département encore largement influencé par un certain milieu catholique (traditionnel). Pour l'édition de février, un numéro spécial, la rédaction de Sans-culotte 85 a choisi de se nommer "Sans-Calotte 85", en réaction aux attaques islamiques (et religieuses) du mois de janvier. C'est aussi une référence, affirme la rédaction du journal, au fameux hors-série de novembre 2011, Charia-Hebdo. ("Un Charia-Hebdo à la vendéenne"). La Une du Sans-Calotte 85 représente l'évêque Alain Castet, dont la ressemblance avec le sénateur UMP local Bruno Retailleau peut troubler... Quant au titre "Ceci n'est pas un prophète", c'est un clin d'œil appuyé à la célèbre une du numéro 1178 de Charlie Hebdo.

    Mais le choix éditorial le plus original de la revue satirique réside dans son traitement de l'attentat de Charlie Hebdo. Comme le rappelle Marie Coq dans un billet, "Il n'y a pas de blasphème qui tienne : personne n'a jamais forcé un musulman à caricaturer son prophète, puisque cela lui est interdit, et y'a (sic) aucun jugement à porter là-dessus." Le Sans-Culotte 85 (ou plutôt "Sans-Calotte 85") s'appuie, comme tout journal satirique qui se respecte, sur de nombreuses caricatures.

    Or, ouvrant cette revue, le lecteur sera surpris de n'y trouver aucun des dessins caractéristiques de ce titre : en lieu et place des illustrations, caricatures et personnages croqués, le texte est parsemé de plages blanches, comme si un maquettiste malicieux ou mal intentionné avait décidé de sortir les illustrations de la revue ! Ces espaces vides sont autant de rappels à une liberté d'expression blessée et en danger.

    En ayant choisi de sacrifier les caricatures, le Sans-Culotte 85 joue la provocation. Mais cette provocation est assortie d'une jolie pirouette, car ces caricatures manquantes dans la mise en pages sont finalement bien présentes... en fin de magazine, hors contexte, avec seulement les numéros de page indiquant leur emplacement originel. Il ne reste plus au lecteur qu'à se munir d'une paire de ciseaux et d'un tube de colle pour remettre les dessins à leur place dans la revue.

    Cette manière forte d'interpeller le public sur l'importance de la liberté d'expression est aussi pour le bloggeur une manière de rappeler que la satire reste une tradition française ancienne qui est prête à vendre chèrement sa peau. Le Sans-Culotte 85 est dans cette droite ligne : "Nous sommes des Sans-Culottes... C'est pour cela que nous ne baissons pas nos pantalons !" est-il proclamé sur leur site Internet.

    Sans-Culotte 85, numéro spécial "Sans-Calotte 85", n°82, février 2015, 3 € 

  • Et si on parlait informations commerciales et judiciaires ?

    Non, ne fuyez pas en découvrant le titre de cet article !

    Ce dont je vais vous parler concerne le choix éditorial d'un journal, Le Commercial du Gard, un hebdomadaire régional au choix éditorial que le bloggeur tient à saluer. De quoi est-il question dans ce journal ? Comme son titre l'indique, d'actualités commerciales locales principalement : sur 5 à 8 pages, en fin de revue, s'étalent des annonces aussi peu passionnantes que des liquidations judiciaires, dissolutions d'entreprises, constitutions et immatriculations de sociétés, ventes aux enchères publiques et autres avis de greffes de tribunaux.

    Pas de quoi s'enthousiasmer, me direz-vous, sauf bien sûr si le Code du Commerce est votre livre de chevet !

    Sauf que tout l'intérêt du Commercial du Gard réside précisément dans ses premières pages (quatre à six, voire plus, selon les éditions). Une telle gazette laisserait penser que le comité de rédaction choisisse de jeter son dévolu sur des sujets tels que l'économie, la politique ou des billets sur la le commerce local. Mais rien de tout cela. Le magazine nîmois (85 ans d'existence au compteur !) choisit régulièrement de couvrir un large faisceau de la vie culturelle : musique classique, littérature, cinéma, théâtre, opéra... et tauromachie ! 

    Ainsi, à côté de ces classiques informations judiciaires et commerciales, le numéro du 11 février 2015 nous parle d'un enregistrement de pièces de Frédéric Chopin avant de s'intéresser à une biographie de Joseph Haydn par Frédéric Gonin. Ce billet classique partage la une (et oui !) avec la présentation d'un essai de Christine Clerc, consacré aux relations entre Charles de Gaulle et André Malraux.

    Ce choix éditorial (les médisants parlerons "d'auberge espagnole") n'a rien de surprenant pour Le Commercial du Gard, qui assume parfaitement ses choix. Ainsi, dans les récents numéros, le lecteur peut y lire, pèle-mêle, un hommage au pianiste Aldo Cicolini (en photo), une présentation des folles journées de Nantes, un billet consacré à la fondation Maeght, des critiques de disques classiques de Nathalie Dessay, Alexandre Tharaud et Emmanuelle Haïm ou encore un article pointu sur les voies romaines en Gaule !

    Les personnes allergiques à la tauromachie (en page 3) ne s'attarderont sans doute pas sur les chroniques régulières consacrées à ce "divertissement", et partageant la page avec un extrait des Diaboliques de J. Barbey d'Aurevilly, dans la grande tradition des feuilletons du XIXe siècle.

    Du reste, la littérature n'est pas en reste avec une large place consacrée aux critiques de livres. Et là encore, c'est un certain éclectisme qui est de mise : avec Le Temps des Héros de Gérard Chaliand (éd. Bouquins), une compilation de textes épiques chantant les héros à travers les siècles, Les Gardiens de Dieu de François-Xavier Cerniac (éd. Cité Editions), un polar sur fond de secrets gouvernementaux et occultes et Deux Veuves pour un Testament (ed. Points Policier), un polar de l'auteure américaine Donna Leon. 

    Rareté, même pour une revue locale, Le Commercial du Gard ouvre largement ses colonnes aux sociétés savantes de la région : en l'occurrence, le lecteur régulier peut suivre numéro après numéro l'histoire de la ville de Nîmes (par un certain Ménard, membre de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres). En l'occurrence, c'est Charles Martel qui est à l'honneur dans l'édition que le bloggeur a parcouru.

    Chaque numéro s'intéresse au cinéma. Pour le numéro du 11 février 2015, outre un focus sur le festival Écrans britanniques, une critique est consacrée au film de la réalisatrice autrichienne Jessica Haussner, Un Amour fou, "une (presque) comédie romantique sur le double suicide de l'écrivain Heinrich von Kleist avec une certaine Henriette Vogel qu'il connaissait à peine...

    Pour être complet signalons des rubriques classiques : recettes, mémento et éphéméride et conseils pratiques. 

    Finalement, le bloggeur salut dans Le Commercial du Gard une certaine idée de l'ouverture d'esprit, de la culture et des arts. Un beau résultat pour une revue locale, au départ consacrée à des informations commerciales et judiciaires peu sexy.    

    Le Commercial du Gard, hebdomadaire, 0,50 €