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allain leprest

  • Bande d’Idiots

    Il y a du Sanseverino chez Les Idiots, cette joyeuse bande de fadas qui commencent leur premier album, Tout le monde le sait…, par un enterrement de première classe. Celui d’un moribond invitant ses ami.e.s, à l’instar de Jacques Brel, à faire la fête : "Désolé, je voulais par partir / C’est de cette dernière nuit blanche qu’il faudra vous souvenir… / Même mort et enterré / Je veux vous entendre taper du pied" ("Funérailles").

    Nous parlions de Sanseverino. L’auteur des "Embouteillages" est présent dans "Lourdes", au jazz manouche irrésistible et non sans piques pour la ville sacrée et ses fidèles à la "foi sans le fuel". Une attaque en règle contre les religions, que le trio languedocien appuie avec "La boule athée" ("Quand vous me parliez de vos petits Jésus, de vos Gaspard de vos Melchior, / Dans mon esprit ça résonnait / Gérard Majax et Garcimore !"

    Le trio Les Idiots revendiquent l’essence d’une chanson française traditionnelle : accordéon, guitares et voix servent un album résolument acoustique. De sa voix rocailleuse, déchirante et proche de la rupture, Guillaume Boutevillain porte un opus à la très grande humanité, celui de trois grands enfants peu pressés de devenir adultes ("Les grands").

    L’écoute de "Chien d’ivrogne" sur le fidèle compagnon d’un pochtron (le "sac à puce d’un sac à vin") renverra inévitablement au titre homonyme d’Allain Leprest. Le caustique "Tout le monde le sait" est, lui, une adaptation du morceau de Léonard Cohen, "Everybody Knows". Les Idiots ne mettent aucun gant dans cette lecture de la condition humaine, pleine de vie, d’humanité et d’un humour grinçant. Mais non sans engagement, à l’exemple de "La complainte", morceau rock-folk, véhément et terrible : "Je pourris la planète / Me torche avec la loi / Après moi le déluge / Ça ne me regarde pas".

    Trois grands enfants peu pressés de devenir adultes

    Tout aussi engagés, Les Idiots proposent dans "Barre toi de mon herbe" le portrait du "beauf à la Cabu" version 2020 : "Je protège mon jardin / Ma petite vie / Mon chien / Il est pas né celui volera mes petits nains."

    Dans le très bon "Lemmy Gaga" – un titre en hommage à peine voilé à la chanteuse de "Poker Face" – le trio énervé propose le portrait sincère d’une autre de ces figures hautes en couleurs, un rocker camé, "un vrai rebelle", "complètement cramé du cerveau". Il y a de la tendresse dans ce morceau : "T’as pas le droit de te moquer de Lenny / C’était quasi mon meilleur pote / D’ailleurs je bois le même whisky / Je te préviens te fous pas de lui / Tu faisais encore dans ton froc / Que lui il hantait le rock."

    L’amour n’est pas absent, à l’instar de "Noir sur bleu", écrit par Parabellum, ou "Jeux Zinterdits", intime aveu d’étreintes, accompagné d’un accordéon diablement sensuel : "Et puis toucher des lèvres / Sentir tes mains / Jusqu’à la fin / Ne regretter rien".

    L’humour, et même l’humour noir, est omniprésent dans cet album tranchant comme un scalpel de Dexter. Dans "Pelouse maudite", le portrait d’une jeune inconnue ("Elle était blonde se prélassait les seins nus / Couchée dans l’air au soleil du printemps / Elle avait de grands yeux / Et un tout petit cul / Un sourire un peu niais / Qui lui cachait le dents") est le récit du crime d’un psychopathe, soigneusement emballé dans un rythme de jazz manouche.

    Enthousiasmant album à la joie communicative, Tout le monde le sait… fait de la musique et de la vie sans seule religion, sur une planète trouée de plombs. Rien d’irréversible, rassurez-vous : Les Idiots sont là.

    Les Idiots, Tout le monde le sait…, 10H10, 2020
    https://les-idiots.com
    https://www.facebook.com/lesidiotsvousaiment

    Voir aussi : "HK ne lâche rien"

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  • Qui connaît Allain Leprest ?

    Hexagone, le magazine de la chanson, propose ce trimestre un dossier spécial consacré à Allain Leprest. Alors que cette très belle revue de référence s’interroge sur sa propre pérennité ("Voilà que nous entamons – déjà – notre quatrième exercice. Sera-t-il le dernier ?" écrit avec beaucoup de gravité David Desreumaux, le rédacteur en chef), voilà qu’Hexagone s’offre le luxe de s'intéresser à un artiste majeur mais largement méconnu.

    Qui connaît Leprest, ce chanteur immense, décédé tragiquement en 2011 ? Une réflexion frappante revient régulièrement tout au long de ces chroniques et interviews : comment un tel artiste, jugé à l’égal d’un Brel, d’un Ferré ou d’un Brassens, a-t-il pu passer sous les radars du grand public et des médias, alors que la réputation d’Allain Le Prest était bien ancrée dans le milieu musical tout au long de sa carrière ? Didier Pascalis, son dernier producteur (Tacet), le résume ainsi : "Nous sommes dans une sorte de paradoxe : tous les journalistes, tous les professionnels savent qu’Allain Leprest était un génie, mais ces chansons ne passent pas à la radio…" Son ami et représentant de droit moral avance une explication : "Les gens qui reconnaissent le génie d’Allain, ceux qui disent que ses disques sont formidables ne sont pas les faiseurs d’opinion."

    Cela rend d’autant plus remarquables les tentatives de faire découvrir l’œuvre de Leprest, à l’instar de Gauvain Sers qui a fait sans doute plus pour sa reconnaissance grâce à quelques syllabes répétées dans son titre Pourvu que beaucoup de spécialistes ou passionnés.

    La revue propose de relire l’interview qu’Allain Leprest avait donné en juin 2002 au webzine L’art-scène, une entrevue dans laquelle le musicien se dévoilait sans artifice, revendiquant son indépendance, tout en parlant de ses relations avec les éditeurs, de ses ateliers d’écriture, de son engagement, de la peinture ou d’une reconnaissance artistique que lui-même confie avoir obtenu : "Ça doit faire vingt-cinq ans que je fais officiellement ce métier, et comme on parlait d’artisanat, j’ai eu l’impression de passer un CAP de chanteur, d’être reconnu par mes pairs et d’être reconnu par ce qui doit être dévolu à un chanteur, c’est-à-dire un public."

    L’œuvre est tellement colossale, voire abyssale

    Une preuve de l’immense respect que lui portaient ses pairs et ses amis artistes ? Deux albums de reprises de son vivant, en 2007 et 2009 (Chez Leprest, vol. I et II), avec notamment Olivia Ruiz, Sanseverino, Michel Fugain ou Agnès Bihl (Ah, l’inoubliable reprise du Copain de mon père!). Hexagone interroge pour les besoin de son dossier Loïc Antoine, intarissable sur son amitié avec Leprest et sur l’apport artistique de ce dernier. Les journalistes Patrice Demailly et Stéphane Hirschi s’expriment, eux, sur l’apport artistique et musical de Leprest, y compris parmi la jeune génération, dont Marion Cousineau, qui voit son œuvre comme un "phare" : "Il n’est plus là, mais il n’est jamais loin."

    Allain Leprest ce génie discret et décédé depuis plus de huit ans,  allait-il être définitivement oublié ? Beaucoup – et la rédaction d'Hexagone en fait indubitablement partie – ont décidé que non. Son travail d’auteur-compositeur continue d’être redécouvert, et l’on se prend à envier l’auditeur qui viendrait à découvrir le chanteur pour la première fois…

    En 2019, il y a bien une actualité Leprest : une version symphonique d’un choix de compositions vient de sortir en disque, en même temps qu’une tournée avec l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL). Leprest en Symphonique, proposé par la société de production Tacet et Didier Pascalis. Leprest en Symphonique rassemble les chanteurs et chanteuses Romain Didier, Clarika, Sanseverino, Cyril Mokaiesh, Alexis HK et Enzo Enzo pour un spectacle de reprises qui est aussi une proposition de rencontres entre le public et l’œuvre d’Allain Leprest, puisqu’en plus de la tournée qui sevrait se poursuivre en novembre 2019, un album est proposé avec des versions d’un choix de titres (Francilie, Y’a rien qui se passe, Nu, Dans l’sac à main d’la putain ou Donne-moi de mes nouvelles). Romain Didier, Clarika, Sanseverino et Cyril Mokaiesh présentent ce projet artistique dans une interview croisée qui est aussi celle d’admirateurs. Sanseverino confie ceci : "Il n’est pas facile de parler de Leprest, parce que Leprest parle tout simplement ! L’œuvre est tellement colossale, voire abyssale."

    Hexagone, "Après Leprest", automne 2019
    Leprest en Symphonique, Tacet, 2019
    Nicolas Brulebois, Gens que j’aime, éd. Jacques Flament, 2014, 329 p.

    Voir aussi : "Gauvain Sers, l’autre chanteur énervé"
    "Chants songs"

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