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Hors-série Littérature classique - Page 2

  • Raconte-moi La Fontaine

    À l’occasion du 400e anniversaire de Jean de La Fontaine, l’émission Théâtre & Cie sur France Culture diffusera le dimanche 30 mai prochain à 20H un concert-fiction intitulé Fables de la Fontaine.  Ce concert-fiction qui rassemble comédiens, musiciens, chanteurs et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, invite à se plonger dans des souvenirs d’enfance et d’école avec la lecture et l’interprétation d’une vingtaine de fables.  

    Habitué à mettre en scène des projets mêlant théâtre, documentaire et musique, le réalisateur Christophe Hocké s’attelle aujourd’hui à la fameuse œuvre de La Fontaine pour offrir une création musicale inédite : "L’idée première était de faire entendre les Fables qui sont, aujourd’hui encore, une des références majeures de la littérature française et pourtant si mal connues. J’ai aussi souhaité faire entendre la grande diversité des sources de ces petits contes moraux qui empruntent aussi bien à la littérature persane qu’à la littérature indienne ou arabe. D’où cette idée, très importante pour moi, d’inviter des musiciens et des chanteurs à mettre en musique les Fables dans une grande diversité de genres et d’influences, à l’image de leurs origines."

    Les Fables sont revisitées entre expérimentations, chansons obliques, musique contemporaine et improvisations, par des musiciens pop comme Mocke, Chevalrex ou Nicolas Worms, par les chanteurs Claire Vallier, Emmanuelle Parrenin ou Mohamed Lamouri  et par l’Orchestre Philarmonique de Radio France sous la direction de Bastien Stil. Les textes sont interprétés par la toute jeune comédienne de 10 ans Loïe Desroc-Martinez, entourée d’Émilie Incerti Formentini et de Denis Podalydès de la Comédie-Française. 

    L’enregistrement d’environ une heure regroupe 21 fables dites ou chantées issues de l’ensemble de l’œuvre de Jean de La Fontaine : "Les animaux malades de la peste", "La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf", "Le loup et l’agneau", "Le loup et les bergers", "Le lion abattu par l’homme", "Phébus et Borée", "Le soleil et les grenouilles", "Le lièvre et les grenouilles", "Les oreilles du lièvre", "Le rat de ville et le rat des champs", "Le corbeau et le renard", "Le vieillard et l’âne", "La cigale et la fourmi", "La laitière et le pot au lait", "Le loup et le chien", "La mort et le malheureux", "La forêt et le bûcheron" et "Le songe d’un habitant du mogol". 

    Fables de La Fontaine, Théâtre & Cie, France Culture
    Dimanche 30 mai 2021, 20 heures
    https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/fables-de-la-fontaine

    Voir aussi : "Commémoration de la naissance de La Fontaine" 

    Photos : Christophe Abramovitz / Radio France

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  • Zola au cœur de la Commune

    Voilà une sortie littéraire qui tombe à point. Alors que nous fêtons cette année les 150 ans de la Commune de Paris, Claude Sabatier propose le deuxième tome des Chroniques politiques d’Emile Zola (éd. Classiques Garnier), des articles qui couvrent les années 1871 et 1872. Une période importante, tourmentée et qui marque aussi le début de la IIIe République.

    De février 1871 à août 1872, Zola rédige, pour La Cloche les chroniques parlementaires envoyées de Bordeaux, puis de Versailles, qui analysent les débuts de la IIIe  République. Il rédige, pour Le Sémaphore de Marseille des lettres de Paris où il évoque le drame de la Commune. Ces comptes rendus politiques vont du pamphlet à la satire. En ces années charnières, ils résonnent des débats qui traversent une époque mouvementée – entre pacifisme et nationalisme, république et monarchie, province et Paris, libéralisme et ordre moral. Le journaliste élabore des motifs et des situations que le romancier développera ou transposera dans La Curée, Nana ou Son Excellence Eugène Rougon.

    Si vous n'aimiez que moyennement le Zola "romancier", vous le découvrirez sous un jour nouveau, sous une forme brève et éclatée, en journaliste fourbissant ses armes et son style avant le fameux "J'accuse" du 13 janvier 1898. Outre que le Zola des années 1871-1872 prépare ses futures grandes œuvres, l’auteur et journaliste porte dans ses chroniques parlementaires un regard lucide et aigu sur les combats politiques de son époque. La lecture de ces textes rares de Zola sont éclairées par la préface de Claude Sabatier, sans oublier les notices, éclairages historiques ou littéraires et nombreuses notes.

    Nous l’avons dit : voilà un livre qui tombe à point nommé !

    Émile Zola, présenté par Claude Sabatier, Chroniques politiques ,
    tome 2 (1871-1872)
    , éd. Classiques Garnier, 2021, 1144 p.

    https://classiques-garnier.com

    Voir aussi : "Zola, le journaliste politique"

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  • Maurice Genevoix au Panthéon et à la BnF

    maurice genevoix,bnf,panthéon,première guerre mondiale,grande guerreMaurice Genevoix, le grand écrivain de la Grande Guerre fait son entrée aujourd’hui au Panthéon, cent ans jour pour jour après l’inhumation du soldat inconnu. Simultanément, le manuscrit autographe de Ceux de 14 rejoint les collections de la Bibliothèque nationale de France grâce à un don de sa famille. Il sera exceptionnellement exposé lors de la cérémonie d’hommage à Maurice Genevoix au Panthéon.

    "Il s’agit du premier manuscrit de Maurice Genevoix à entrer dans les collections de la Bibliothèque nationale de France. Maurice Genevoix avait voué son travail à la transmission d’une mémoire. Recevoir aujourd’hui le manuscrit de Ceux de 14 est un grand honneur pour la BnF, et c’est aussi une façon de poursuivre cette œuvre de transmission. C’est donner à la Bibliothèque toute la mesure de son rôle au XXIe siècle : conserver et faire vivre auprès du plus grand nombre les œuvres littéraires qui forment notre mémoire collective", se félicite Laurence Engel, présidente de la BnF.

    Mobilisé en 1914 alors qu’il est étudiant à l’École normale supérieure, Maurice Genevoix (1890-1980) est envoyé sur le front de Meuse. Grièvement blessé en avril 1915, Maurice Genevoix tire de son expérience de la guerre des tranchées la matière d’un des plus grands témoignages sur la Première Guerre mondiale. De 1916 à 1923, cinq volumes se succèdent : Sous Verdun (1916), Nuits de guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921) et Les Éparges (1923), qu’il choisira de réunir, après quelques remaniements, sous le titre de Ceux de 14. le livre sort en 1949.

    Ce manuscrit de la version originale du texte donne à voir le travail de l’écrivain voué "à la mémoire des morts et au passé des survivants".

    Décédé en 1980, l’écrivain, prix Goncourt en 1925 pour Raboliot et secrétaire perpétuel de l’Académie française de 1958 à 1973, fut un acteur majeur de la vie littéraire du XXe siècle. Il a contribué à entretenir le souvenir des combattants de la Grande Guerre.

    Don du manuscrit de Ceux de 14 de Maurice Genevoix
    à la Bibliothèque nationale de France
    Maurice Genevoix, Ceux de 14, éd. Omnibus, 2009, 1090 p.

    https://www.bnf.fr

    Voir aussi : "La fleur au fusil"

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  • En tongs avec Platon

    Pour ne pas bronzer idiot, Hélène Soumet propose cet été une biographie passionnante autant qu’intelligente sur Platon (Platon à la Plage, éd. Dunod).

    Une biographie sur Platon : le concept est à la fois pertinent et d’une sacrée audace, tant la vie du philosophe athénien est aussi obscure que ses concepts restent encore aujourd’hui lumineux.

    Hélène Soumet allait-elle nous laisser une biographie parsemée de trous et faire de cet essai une nouvelle synthèse sur ses concepts ? Il n’en est rien. Car, tout en assumant les lacunes de l’historiographie, à commencer par ses dates de naissance et de mort, l’auteure nous fait entrer dans la vie de cet Athénien exceptionnel, né entre -428 et -422 et mort en 347 avant J.C. Ses premières années servent à Hélène Soumet à faire un tableau social de la démocratie grecque, affaiblie depuis la mort de Périclés, peu de temps avant la naissance du "divin Platon."

    Le futur philosophe, prénommé Aristoclès, reçoit une éducation "presque parfaite" pour un jeune aristocrate, comme l’écrit Hélène Soumet. La cité athénienne est traversée de soubresauts, en conflit avec Sparte, mais c’est la rencontre avec Socrate qui scelle définitivement le destin du jeune Platon, qui s’imagine à l'époque athlète et poète. Il est bien loin en tout cas, nous rappelle l’auteure, de cette image d’intellectuel rêveur et hors du monde. La rencontre avec "le marginal de génie" qu’est Socrate est décisive pour Platon. Son œuvre sera toute entière consacrée à cet homme ("la raie torpille") : si la maïeutique, l’art d’accoucher les esprits, l’ironie socratique et sa condamnation à mort pour "perversion de la jeunesse" sont connus c’est grâce aux dialogues, ouvrages fondamentaux dans l’histoire de la philosophie. À ce sujet, un chapitre entier est à consacré au Banquet de Platon.

    Grand voyageur devant l’éternel

    Platon à la Plage devient tout simplement captivant lorsque précisément à la mort de son maître il choisit de voyager dans le bassin méditerranéen, afin de confronter la philosophie et sa vision de la politique (le "philosophe roi") avec le monde dit "réel" : l’Égypte, Cyrènes (dans l’actuelle Libye), Crotone, Syracuse (par trois fois) : Platon est bien un philosophe universel, grand voyageur devant l’éternel, ayant eu à corps d’éduquer les hommes d’État, y compris des tyrans.

    Les dernières années de sa vie sont consacrées à son école, l’Académie, et c’est pendant cette période qu’il rencontre un autre penseur capital : Aristote, jeune homme exubérant, zozotant (sic), mais surtout douée d’une exceptionnelle qualité de raisonnement.

    Hélène Soumet ponctue sa biographie vivante et illustrée de passages sur les concepts platoniciens qui ont contribuer à modeler l’histoire universelle de la pensée : les Idées, le Bien, les concepts sur la République, la démocratie ou la justice, les critiques du sophisme ou la recherche de la vérité. On est cependant moins dans un ouvrage didactique que dans une biographie pouvant se lire les doigts de pied en éventail, sur la plage, avec Platon donc.

    Hélène Soumet, Platon à la Plage : L'Invention de la Philosophie dans un Transat,
    éd. Dunod, 2020, 240 p.

    https://helene-soumet.fr

    Voir aussi : "Gros big up pour Clémence Pouletty"

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  • Schopenhauer révélé

    schopenhauer,philosophe,allemagne,goethePour qui n’est pas familier de Schopenhauer, l’essai synthétique d’Ugo Batini est parfait pour découvrir le philosophe le plus lu au XIXe siècle. L’auteur du Monde comme Volonté et comme Représentation (1819), ouvrage majeur s’il en est, s’est pourtant fait connaître sur le tard. Il a 60 ans lorsqu’une revue anglaise s’intéresse à cet "iconoclaste dans la philosophie allemande." C’est le point de départ d’une notoriété qui ne s’arrêtera plus, jusqu’à son décès sept ans plus tard en 1860. Arthur Schopenhauer, "philosophe autant qu’artiste", a laissé l’image tenace et largement galvaudée d’un intellectuel aigri, pessimiste et vouant un mépris pour les hommes (il leur préfère largement ses chiens, dit-on).

    Cette légende, Ugo Batini entend la démystifier grâce à son essai, mêlant la biographie et et l’essai de philosophie. Et l’on découvre un homme prenant chair, dans une époque troublée. Né à Dantzig l’année précédant la Révolution française, Arthur Schopenhauer vit dans une Europe abîmée par les guerres napoléoniennes. Issu d’une famille de la petite bourgeoisie allemande, le jeune homme sera toute sa vie hantée par un père qu’il a toujours vénéré et une mère intellectuelle, tenant un salon réputé. Elle sera aussi la célébrité de la famille grâce à des succès éditoriaux.

    En suivant ses parents en voyage à Toulon puis à travers l’Allemagne, et en touchant au commerce et à la médecine, Arthur Schopenhauer bâtit peu à peu un système philosophique, inédit par ses influences comme par ses concepts : "[Il] développe une véritable Natur-philosophie, qui cherche à expliciter la totalité des phénomènes de la nature sans les réduire à la simple opposition de la matière et de l’esprit."

    Ugo Batini parle des influences de philosophes et de courants de pensée : Platon, le scepticisme (Gottlob Ernst Schulze) et Kant, qu’il étudie avec passion, avant d’en critiquer les idées. Schopenhauer met en jeu la question de l’intuition et de l’expérience, contre l’idéalisme sous toutes ses formes (critique, subjectif ou absolu).

    Une influence inattendue : celle du bouddhisme

    En pleine guerre napoléonienne, Arthur Schopenhauer rencontre Goethe, qui salue en lui "un homme remarque et plein d’intérêt." Ensemble, ils travaillent sur un Traité des Couleurs, en 1810, qui marque à la fois une rupture entre ces deux génies et qui constitue aussi le ferment du Monde comme Volonté et comme Représentation : "Schopenhauer a besoin pour établir son système de rapatrier les couleurs dans l’œil alors que le tempérament réaliste de Goethe ne pouvait l’empêcher de les laisser aux mains de la nature."

    Le lecteur trouvera dans cet essai biographique un chapitre passionnant sur une influence inattendue : celle du bouddhisme. Au début du XIXe siècle, les sciences orientales sont en pleine renaissance, et le philosophe allemand y trouve une puissante inspiration : "[Il] n’en retient spécifiquement que trois éléments : sa conception non-individuelle des âmes ou métempsychose (…), l’appréhension purement négative de la délivrance… [et] l’idée un peu réductrice d’une religion athée." La référence au brahmanisme est au cœur du Monde comme Volonté et comme Représentation.

    Son essai majeur est publié en 1819, ne suscitant que peu de réactions, jusqu’à la parution de cet article anglais élogieux, trente ans plus tard. Ugo Batini consacre les cent dernières pages de son essai à expliquer la portée de son système de pensée. Le lecteur est pris par la main pour découvrir les concepts développés par le philosophe : la conscience meilleure ("un négatif de la conscience empirique"), la contemplation esthétique (car Schopenhauer peut être vu autant comme un philosophe que comme un artiste), l’irréalité du monde (cette "fragilité de la représentation"), l’"intrication intime du sujet et de l’objet" et la place centrale de la volonté. Ugo Batini avance pas à pas pour nous faire saisir les concepts novateurs - et parfois complexes - de Schopenhauer. "Ainsi, le monde entier nous apparaît bien comme une représentation, mais il se trouve qu’au sein de toutes nos représentations il en existe une singulière dont nous saisissons la face cachée : le corps."

    "Quelle est la clef de l’énigme de l’essence du monde" ? Quel est le lien entre corps et volonté ? Peut-il y avoir une métaphysique de la nature ? Quid de l’art et de l’expérience esthétique ? Ce sont autant de questions qu’aborde ce Schopenhauer.

    Hugo Batini réussit à faire du philosophe non plus ce vieillard acariâtre mais un homme sachant parler de la nature, de la compassion, de l’amour et des arts. Un Schopenhauer enfin révélé.

    BC

    Ugo Batini, Schopenhauer, éd. Cerf, coll. Qui es-tu ?, 2020, 200 p.
    https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18941/schopenhauer
    https://www.schopenhauer.fr

    Voir aussi : "Dante, voyage au bout de l'enfer"

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  • Approcher Marie Noël

    "Qui peut prétendre connaître Marie Noël ?" Ainsi commence ces Portraits intimes de Marie Noël choisis et commentés par Chrystelle Claude de Boissieu, docteure en littérature comparée et chercheuse en lettres modernes.

    Marie Noël : la plus inclassable, la plus insaisissable, la plus discrète et la plus indépendante des poétesses du XXe siècle, fait l’objet ici d’un ouvrage constitué de 60 photos, comme autant de scènes fixant une auteure tour à tout raisonnable, déraisonnable, timide, intrépide, forte, faible, écrivaine, lectrice, indépendante ou dépendante. Ces qualificatifs forment autant de chapitres pour fixer une femme que l’on connaît si mal : "Les photographies choisies s’organisent en une galerie de portraits… des facettes antithétiques de son tempérament. De ce fait,elles regroupent autour d’un trait de caractère et de son contraire, tels qu’ils sont énoncés dans « Connais-moi »."

    Assez justement, Chrystelle Claude de Boissieu la compare avec une autre grande auteure incomprise à son époque, Emily Dickinson: "[Ces] sœurs jumelles n’ont guère apprécié le passage brutal de l’ombre à la lumière."

    Le lecteur trouvera dans ce livre proposée par les éditions Desclée de Brouwer une autre manière d’approcher la petite Marie Rouget, fille d’un professeur de philosophie rude. Contrairement à une biographie traditionnelle, Chrystelle Claude de Boissieu trace un portrait vivant et sensible de Marie Noël, à la manière d’une peintre impressionniste. L’auteure bourguignonne se dévoile par petites touches : interrompant une minute sa lecture ; déchiffrant une partition à son piano ; se promenant dans un jardin ; posant, petite fille, en robe de dentelles ; croisant à Auxerre le Général de Gaulle ; surprise au milieu d’un tournage ; ou bien au cœur d’une cour de récréation en compagnie d’enfants, de pied avec son chien.

    Inconsolable après le deuil d’un petit frère et une rupture amoureuse

    Femme de lettres effacée, Marie Noël se révèle surtout une femme autant qu'inconsolable après le deuil d’un petit frère et une rupture amoureuse : deux événements qui la laisseront blessée à jamais. Durant la période de Noël 1904, c’est d’abord un jeune homme, qu’elle aimait, qui choisit de s’éloigner d’elle. De cette "trahison", qui la marquera à jamais, Marie écrit : "Il a marché sur moi, suivant sa route" (Chanson). Quelques jours plus tard, elle découvre dans son lit le corps inerte de son petit frère Eugène ("Marie Noël paraît projetée dans un roman de Charles Dickens"). Le choc est immense pour cette jeune femme pieuse : "Ô Dieu ! La Mort ouvrant la porte / Me l’a volé ! / Mon agneau blanc, le loup l’emporte !" (Hurlement).

    Ce double événement privé va marquer profondément la carrière artistique de Marie Noël, dont on souligne souvent la nature pieuse ("Plus près de Marie Mère", "Pied à pied pour la chrétienté", "Pas à pas vers la sainteté"), mais sans doute moins le caractère hypersensible d’une femme de son époque (le chapitre de sa rencontre surprenante avec le Général de Gaulle peut être lu comme le récit d’une auteure déjà incomprise), indépendante, insatiable et sans doute aussi "rassurante" ("[P]ouvais-je refuser de partager avec ceux qui suivent l’expérience de ma misère ?").

    Au terme de la lecture de ces Portraits intimes de Marie Noël, Le lecteur sera sans doute décontenancée par les propos d’une auteure inclassable, à la fois passionnée, très croyante et d’une sensibilité rare : "J’ai été toute passion, tout élan, toute flamme, toute folie, pourtant je n’ai jamais commis d’action folle ou singulière… Ma seule action déréglée, je m’en suis rendue coupable quand j’aimais Jésus."

    Marie Noël paraît finalement plus appartenir au XIXe siècle qu’à ce XXe siècle brutal et, à bien des égards, nihiliste. Mieux, l’auteure des Chansons semble échapper à tous les qualificatifs : "Ces oscillations se succèdent aux caprices du temps et des humeurs." Chrystelle Claude de Boissieu choisit de conclure ainsi cet ouvrage : "Connaissons-nous Marie Noël ? Le pouvons-nous ? / Nous l’avons approchée. / Nous l’avons observée. / Nous l’avons imaginée. / Nous l’avons devinée./ Nous l’avons écoutée. / Nous l’avons vue, lue, entendue. / Au fur et à mesure. / Qu’avons-nous retenu ?"

    Chrystelle Claude de Boissieu, Portraits intimes de Marie Noël
    éd. Desclée de Brouwer, 2019, 321 p.

    https://www.editionsddb.fr/auteur/fiche/55284-chrystelle-claude-de-boissieu
    http://www.marienoelsiteofficiel.fr
    http://www.marie-noel.asso.fr
    https://fr.linkedin.com/in/chrystelle-claude-de-boissieu-389359126

    Voir aussi : "Marie Noël, jour après jour"

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  • Marie Noël, jour après jour

    marie noël,poésie,poèmes,religion,dieu,solitude,christianisme,colette nys-mazureC’est l’une des très grandes femmes de lettres du XXe siècle – à l’égal d’une Colette, selon Montherlant – mais dont la renommée peine à s’imposer. Marie Noël est oubliée, et c’est injuste. Il faut dire aussi que cette auteure bourguignonne (comme Colette, d’ailleurs), n’aura jamais bougé d’Auxerre et a cultivé une forme de discrétion tout au long de sa vie ("Et quand tu m’écouterais, / Quand tu suivrais à mesure / Tous mes gestes, tous mes pas, / Par le trou de la serrure… / Tu ne me connaîtrais pas"), discrétion qui lui a survécu, hélas.

    Il est temps sans doute, de découvrir ou, pourquoi pas, de redécouvrir Marie Noël (1883-1967), récompensée en son temps de prestigieux prix (Académie Française, Société des gens de lettres ou Société des Poètes). Le Chant des Jours que publient les éditions Desclée de Brouwer, et dont le titre renvoie à ses Chansons, est une manière d’entrée en douceur dans une œuvre à la tonalité incomparable, tour à tour sombre, lumineuse, désespérée et aux éclats de lumière incroyables.

    La romancière et essayiste Colette Nys-Mazure a compilé dans cet ouvrage une sélection de textes, toujours très brefs, pour rendre Marie Noël accessible au plus grand nombre : "Quoi de mieux qu’un livre de poche lu par bribes dans le métro, l’avion, à la pause-café ou dans un lit d’hôpital, glissé sous l’oreiller à la place du téléphone ?"

    Le Chant des Jours c’est 365 jours avec Marie Noël, donc. Chaque mois de l’année correspond à une thématique abordée : la difficulté de se connaître soi-même, l’amour espéré et redouté, le repli et l’envol, la détresse et la confiance, la nature, les exigences de la création, le chez-soi, la solitude, le temps et la croyance. Une sorte d’almanach, donc, qui n’est pas sans rappeler cet autre : Almanach pour une jeune fille triste (2011, posthume).

    Le choix éditorial a été de proposer des textes extraits de poèmes s’étalant sur plusieurs jours, à l’instar de Ronde : "Mon père me veut marier, / Sauvons-nous, sauvons-nous par les bois et la plaine, / Mon père me veut marier, / Petit oiseau, tout vif te laisseras-tu lier ?" (7-12 juillet).

    L’humour et l’autodérision ("Je ris… Je me moque un peu de moi") est présent, sans pour autant que Marie Noël ne doute que l’écriture est ce qui la fait avancer, avec toujours le regard d’une femme croyante, pieuse (un procès en béatification est d’ailleurs en cours), mais d’une grande humilité.

    Le regard noëlien d’une femme rejetée, rappel d’un amour de jeunesse déçu

    Cette grande solitaire ("Il se fait tard. Personne ne viendra plus maintenant…") se confie via des textes denses, qui chantent le dépouillement, les autres ou la nature, autant que le malheur, le désespoir ou la mort, "entre révolte et acquiescement", comme le souligne Colette Nys-Mazure. Et avec toujours une importance laissée au sacré et à la foi. Les passages choisis pour les premiers jours de février renvoient ainsi au Cantique des Cantiques ("Mon bien-aimé descend la colline fleurie / De blé noir, / Très lentement par les champs pâles… C’est le soir"), mais cette fois avec le regard noëlien d’une femme rejetée, rappel d’un amour de jeunesse déçu ("Mon bien-aimé passa, voilé de rêverie, / L’âme ailleurs, / Sans rien me dire hélas ! Sans me voir, et j’en meurs"). L’amour apparaît chez elle comme un Souverain Bien inaccessible, et en tout cas pour lequel elle ne semble pas être destiné ("Dans l’Amour, si grand, si grand, / Je me perdrai toute / Comme un agnelet / Dans un bois sans route").

    Cet amour inaccessible et finalement cette solitude qui l’a pesée toute sa vie ("J’ai tellement besoin d’un ami que je l’invente"), on le doit sans nul doute à une éducation rigide, tiraillée entre un père philosophe, agnostique et dur ("- Va prier le soleil pour que mon champ prospère. / C’est ta dot qui mûrit dans nos blés. / Oui, mon père") et une famille pétrie dans une culture catholique extrêmement rigide ("Sommes-nous au couvent ?" demande-t-elle avec une ironie mordante) : une éducation qui est pour beaucoup dans le parcours personnel et artistique de Marie Noël ("Famille d’autrefois en province, composée de gens qui retombent – les femmes surtout – indéfiniment les uns sur les autres"). L’auteure parle également d’une des grandes déchirures de sa vie : la mort prématurée de son jeune frère Eugène en 1904 ("Sœur, la chanson d’amour que tu savais naguère, / Celle où passe un oiseau, chante-la… / Oui, mon frère" fait-elle dire à cet enfant qu'elle ne cessera jamais de pleurer).

    Artistiquement, le lecteur trouvera dans Le Chant des Jours des textes consacrés à son travail littéraire. Marie Noël l'appréhende comme une artisane à la recherche de la phrase parfaite, sans fioriture ("Ce que tu as dit en dix mots, tâche de le dire en sept. En trois si tu peux") mais aussi comme une poétesse en recherche perpétuelle ("Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie, le nid perdu de ma chanson").

    Femme de lettres importante, mais aussi croyante tourmentée, Marie Noël résume elle-même ce qui pourrait définir son œuvre : "J’ai toujours pensé que pour découvrir dans un poète la source subconsciente de sa Poésie, il n’était que de noter les mots qui reviennent le plus fréquemment, les plus involontairement dans son incantation. Chez moi j’ai trouvé : chemin, noir, perdu, pâle, seul…" Il est à cet égard frappant que ce ne sont pas des termes ayant trait à la religion ou à Dieu qu'elle choisit. Profondément croyante, Marie Noël n’en retira finalement que peu de réconfort : "Dieu n’est pas un lieu tranquille," écrit-elle pleine d'amertume dans un texte que le lecteur trouvera singulièrement à la date du 25 décembre.

    Marie Noël, Le Chant des Jours, textes choisis par Colette Nys-Mazure
    Ed. Desclée de Brouwer, 2019, 141 p.

    http://www.marienoelsiteofficiel.fr
    http://www.marie-noel.asso.fr
    http://www.colettenysmazure.be

    Voir aussi : "Ça caille les belettes"
    "Dante, voyage au bout de l'enfer"

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  • Charles Bukowski, affreux de la création

    charles bukowski,poésie,poèmesDe Charles Bbukowski, on retient habituellement les sulfureux Contes de la Folie ordinaire ou Women. Mais son œuvre est aussi celle d’un poète, sans doute le plus percutant, le plus outrancier et le plus déconcertant de la littérature américaine.

    Après la publication remarquée il y a deux ans d’une partie de sa correspondance (Sur l’Écriture), les éditions Au Diable Vauvert proposent, avec Tempête pour les Morts et les Vivants, une sélection de ses poèmes rares et souvent inédits.

    Le titre de cette anthologie (Storm for the Living and the Dead) est celui d’un texte tardif – en 1993, soit tout juste un an avant son décès –, dans lequel l’écrivain fait d’une scène quotidienne chez lui un moment à la fois trivial, tragique et plein de grâce ("Je suis un vieil écrivain. / un facture de téléphone me nargue / la tête à l’envers. / la fête est finie. / san Pedro, / en l’an de grâce / 1993. / assis là").

    Plus de trente ans de créations poétiques sont réunies dans cette précieuse compilation qui est souvent l’autoportrait d’un artiste en proie à ses dérives – l’alcool, la dépression, la solitude ou la dèche – ou à ses passions – les courses de chevaux, les femmes et bien sûr la littérature. "Pourquoi est-ce que tous les poèmes sont personnels ?" écrit en avril 1961.

    Ses mots sont des "flèches", comme il l’écrit dans "Dans celui-là " (1960), avant, quelques années plus tard, de revendiquer sa filiation avec quelques grands noms : Hemingway ("Je pense à Hemingway", 1962) ou Walt Whitman ("Corrections d'ego, principalement d'après Whitman"), jusqu’à écrire un panégyrique grinçant… sur lui-même : "Charles Bukowski est une figure de l’underground / Charles Bukowski pionce jusqu’à midi et se réveille toujours avec une gueule de bois / Charles Bukowski a été encensé par Genet et Henry Miller" ("Un poème pour moi-même", vers 1970).

    Les vers explosent, la langue s’affranchit des conventions et la voix du poète utilise d’innombrables registres

    Les textes de Bukowski, tranchants, provocateurs et rythmées, frappent par leur liberté formelle : les vers explosent, la langue s’affranchit des conventions et la voix du poète utilise d’innombrables registres, parfois étonnants. Certains poèmes s’apparentent à des micro-nouvelles ("Clones", février 1982), des extraits de journal intime ("Ai bossé dans le train" été 1985), des chroniques ("La lesbienne", 1970), voire de la correspondance ("Un lecteur m’écrit", 25 mars 1991).

    Charles Bukowski se fait sarcastique lorsqu’il parle d’une époque et d’un pays qui a fini par le rendre célèbre après des années de misère. L’auteur du Journal d'un vieux Dégueulasse est le poète d’une certaine Amérique cynique, cruelle, violente et impitoyable pour les marginaux et les pauvres ("Mon Amérique, 1936", octobre 1992).

    Finalement, il trouve son salut dans la poésie et la littérature ("2 poèmes immortels", 1970). À côté de textes sombres, l’homme de lettres propose des instants lumineux : la confession d'un père ("Conversation téléphonique avec ma fille de 5 ans à Garden Grove", 1970), une chanson d’amour (mars 1971), un poème sur sa grand-mère ("Verrues", 1973), le tableau d’un couple de hippies attendrissants ("Bob Dylan", 1975), sans oublier ces portraits de femmes ("Les femmes de l’après-midi", 1976).

    Le recueil se termine avec ce qui est certainement son tout dernier texte ("Chanson pour ce chagrin doucement dévastateur") : une sorte de confession en forme de singulière leçon de vie et de sagesse : "Laissons la lumière nous éclairer / souffrons en grande pompe – / le cure-dent aux lèvres, tout sourire. / on peut y arriver. / on est né fort et on mourra / fort… / ça été très / plaisant. / nos os / tels des tiges dressés vers le ciel / crieront victoire / jusqu’à la fin des temps."

    Charles Bukowski, Tempête pour les Morts et les Vivants
    éd. Au Diable Vauvert, 350 p.

    http://charlesbukowski.free.fr

    Voir aussi : "Ivre de vers et d’alcool"

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