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  • Le temps d’une chanson

    Lou Tavano revient avec Uncertain Weather, un deuxième album qu’elle a écrit avec Alexey Asantcheeff. Un retour aux sources pour un opus revivifiant, mélancolique et interrogeant un temps incertain, comme son titre l’indique. "J’avais atteint le point de rupture, je devais partir de Paris. Alexey, écossais par sa mère, avait une maison là-bas, face à la mer, vide, avec un vieux piano à queue. C’était exactement ce qu’il me fallait. Là-bas je me suis retrouvée face à face avec une nature-miroir de mes propres émotions. Un équilibre parfait entre paix et fureur. Le fil conducteur m’était révélé. Avant même d’avoir les chansons, je savais que l’album s’appellerait Uncertain Weather", résume la chanteuse.

    As One, le premier titre, commence par une note plaintive maintenue par des cordes avant que ne s'élève une voix veloutée et hyper tendue, celle de Lou Tavano. Le duo qu’elle forme avec Alexey Asantcheeff ose l’économie de moyens, à l’instar de Memories Of Tomorrow et surtout de Simples Way To Be : une boîte à rythmes minimales, un piano, un violoncelle et cette voix qui nous parle du désir d'être. Tout simplement.

    Lou Tavano fait de sa voix magique un authentique instrument de recherche sophistiqué, lorsqu'elle se lance par exemple dans un concerto pour voix et piano dans The Dancer, où se mêlent construction harmonique et improvisation jazz. Avec As We part, Lou Tavano prouve son talent à se mettre au service de balades qui, par leur classicisme, restent d'une rare efficacité.

    Digne de figurer dans une BO de James Bond

    Artiste pop ou jazz? La chanteuse sait déjouer les frontières, à l'exemple de Memories Of Tomorrow, un titre digne de figurer dans une BO de James Bond, ou du délicat You See Me Now, dans lequel la palette vocale de la chanteuse s'étend avec bonheur.

    J'attends est l'un des deux titre français, interprète dans un parler chanté bienvenu, afin de laisser la place à un texte existentiel sur l'attente et l'espoir : "Il y a des jours comme cela / Où seul le silence couvre ma voix." Seule Lou Tavano pouvait parler le temps d’une chanson de la solitude d'une chanteuse de jazz. "Je doute en permanence. Je suis à la fois ma meilleure amie et ma pire ennemie. Ce disque est l’histoire de ce combat intérieur", commente-t-elle.

    Le fil de la vie empreinte un chemin poétique que Michel Legrand n'aurait pas renié. On imaginerait volontiers Lou Tavano chanter et danser dans un Paris féerique : et si l'on tenait là autant un miracle vivant du jazz, et pourquoi pas une future très grande interprète de comédie musicale ?

    L'album se termine avec Uncertain Weather qui lui donne son titre. L'artiste propose une dernière ballade, brillante grâce à l’osmose d’un violoncelle métaphysique et d’une voix venue de nulle part.

    BC

    Lou Tavano, Uncertain Weather, L’Un L’Une, 2020
    https://loutavanomusic.com
    https://www.facebook.com/loutavanomusic

    Voir aussi : "Vole, Céline, vole"

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  • Un seul être vous manque et votre frigo est dépeuplé

    L'Œil du frigo s'intéresse cette semaine à la célibataire la plus célèbre du monde : Bridget Jones. Oui, il y a moyen de disserter sur le réfrigérateur pour une femme autour de qui se joue des problématiques comme la solitude, la frustration et la recherche de l'amour. Sans oublier ce havre de paix et de réconfort qu'est son appartement... et sa cuisine. Et au centre de sa cuisine, il y a le sempiternel réfrigérateur. 

    Aujourd'hui, nous allons du côté de Bridget Jones. Je ne présente plus ce film sur la plus célèbre célibataire du grand écran. Le premier épisode est absolument divin. Certes, Bridget est miss naïve, miss oie blanche, mais sa vie est aussi vide que son frigo. Son frigo: parlons-en. Non pas que je sois absolument phénoménal pour parler du vide, quoique, avec quelques notions de physique, je devrais y parvenir, mais surtout parce que vide c'est vide !

    Oui, je sais : on sait très bien que vide ce n'est pas tout à fait vide à partir du moment où il y un matériel qui entoure le vide. Mais quand même : là, on touche le vide sidéral. La représentation unique du vide lorsqu'on se fait larguer comme Bridget. Elle est au bord du gouffre et se demande s'il ne vaut pas mieux se faire dévorer par les chiens... Le grand vide lorsqu'on se prend ce genre de claque ressemble au frigo de Bridget, même si on a mis des photos moches dessus.

    Ceux qui lisent depuis le début se disent : "Il n'a pas vu qu'il y avait un fromage dans le frigo, ce qui rend le vide plus sympathique (vous savez sans doute que les parois du frigo sont faites de vide pour conserver le froid à l'intérieur), bien qu'entouré de vide." Je m'y perd un peu, peut-on être entouré de vide ? Bon sujet de philosophie au bac. Je reprends : Bridget a un frigo vide avec un fromage moisi dedans. Vous voyez ? Je l'ai vu ! je n'ai pas le regard si vide...

    Depuis que j'ai commencé ces rubriques sur le frigo dans le cinéma je n'ai jamais vu un frigo si vide, ou alors dans le futur. Car même si parfois il est vide, la porte est remplie, histoire de dire qu'on se nourrit derrière une porte... Ici le message est clair : c'est vide et le fromage est moisi. Ce qui veut dire qu'elle va en baver... Elle va devoir d'abord nettoyer le moisi qui a pris naissance dans le frigo et s'envoyer le fromage avec des céréales ou autre saloperies.

    Bridget l'a bien cherché quand même! Car laisser son frigo vide à ce point, voire moisir à ce point c'est jouer avec le feu. Je dirai même que c'est prémonitoire. Si elle avait ouvert le frigo le matin même, elle aurait dû se douter qu'il allait lui arriver quelque chose de grave entraînant un grand vide (Pour paraphraser Lamartine : "Un seul être vous manque et votre frigo est dépeuplé"). Elle aurait dû réagir, se faire livrer des courses et tout serait rentré dans l'ordre. Bon je sais il n'y a pas grand monde qui connait le langage des frigos mais ces derniers gagnent à être connus.

    Alors surveillez votre frigo, il vous donnera j'en suis sur plus d'indications sur votre vie que madame Irma.

    ODF

    Le Journal de Bridget Jones, comédie de Sharon Maguire
    avec Renée Zellweger, Hugh Grant et Colin Firth
    Grande-Bretagne, États-Unis et France, 2001, 97 mn

    Voir aussi : "L’‎Œil du Frigo débarque sur Bla Bla Blog"
    "Bridget Jones"

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  • Schopenhauer révélé

    schopenhauer,philosophe,allemagne,goethePour qui n’est pas familier de Schopenhauer, l’essai synthétique d’Ugo Batini est parfait pour découvrir le philosophe le plus lu au XIXe siècle. L’auteur du Monde comme Volonté et comme Représentation (1819), ouvrage majeur s’il en est, s’est pourtant fait connaître sur le tard. Il a 60 ans lorsqu’une revue anglaise s’intéresse à cet "iconoclaste dans la philosophie allemande." C’est le point de départ d’une notoriété qui ne s’arrêtera plus, jusqu’à son décès sept ans plus tard en 1860. Arthur Schopenhauer, "philosophe autant qu’artiste", a laissé l’image tenace et largement galvaudée d’un intellectuel aigri, pessimiste et vouant un mépris pour les hommes (il leur préfère largement ses chiens, dit-on).

    Cette légende, Ugo Batini entend la démystifier grâce à son essai, mêlant la biographie et et l’essai de philosophie. Et l’on découvre un homme prenant chair, dans une époque troublée. Né à Dantzig l’année précédant la Révolution française, Arthur Schopenhauer vit dans une Europe abîmée par les guerres napoléoniennes. Issu d’une famille de la petite bourgeoisie allemande, le jeune homme sera toute sa vie hantée par un père qu’il a toujours vénéré et une mère intellectuelle, tenant un salon réputé. Elle sera aussi la célébrité de la famille grâce à des succès éditoriaux.

    En suivant ses parents en voyage à Toulon puis à travers l’Allemagne, et en touchant au commerce et à la médecine, Arthur Schopenhauer bâtit peu à peu un système philosophique, inédit par ses influences comme par ses concepts : "[Il] développe une véritable Natur-philosophie, qui cherche à expliciter la totalité des phénomènes de la nature sans les réduire à la simple opposition de la matière et de l’esprit."

    Ugo Batini parle des influences de philosophes et de courants de pensée : Platon, le scepticisme (Gottlob Ernst Schulze) et Kant, qu’il étudie avec passion, avant d’en critiquer les idées. Schopenhauer met en jeu la question de l’intuition et de l’expérience, contre l’idéalisme sous toutes ses formes (critique, subjectif ou absolu).

    Une influence inattendue : celle du bouddhisme

    En pleine guerre napoléonienne, Arthur Schopenhauer rencontre Goethe, qui salue en lui "un homme remarque et plein d’intérêt." Ensemble, ils travaillent sur un Traité des Couleurs, en 1810, qui marque à la fois une rupture entre ces deux génies et qui constitue aussi le ferment du Monde comme Volonté et comme Représentation : "Schopenhauer a besoin pour établir son système de rapatrier les couleurs dans l’œil alors que le tempérament réaliste de Goethe ne pouvait l’empêcher de les laisser aux mains de la nature."

    Le lecteur trouvera dans cet essai biographique un chapitre passionnant sur une influence inattendue : celle du bouddhisme. Au début du XIXe siècle, les sciences orientales sont en pleine renaissance, et le philosophe allemand y trouve une puissante inspiration : "[Il] n’en retient spécifiquement que trois éléments : sa conception non-individuelle des âmes ou métempsychose (…), l’appréhension purement négative de la délivrance… [et] l’idée un peu réductrice d’une religion athée." La référence au brahmanisme est au cœur du Monde comme Volonté et comme Représentation.

    Son essai majeur est publié en 1819, ne suscitant que peu de réactions, jusqu’à la parution de cet article anglais élogieux, trente ans plus tard. Ugo Batini consacre les cent dernières pages de son essai à expliquer la portée de son système de pensée. Le lecteur est pris par la main pour découvrir les concepts développés par le philosophe : la conscience meilleure ("un négatif de la conscience empirique"), la contemplation esthétique (car Schopenhauer peut être vu autant comme un philosophe que comme un artiste), l’irréalité du monde (cette "fragilité de la représentation"), l’"intrication intime du sujet et de l’objet" et la place centrale de la volonté. Ugo Batini avance pas à pas pour nous faire saisir les concepts novateurs - et parfois complexes - de Schopenhauer. "Ainsi, le monde entier nous apparaît bien comme une représentation, mais il se trouve qu’au sein de toutes nos représentations il en existe une singulière dont nous saisissons la face cachée : le corps."

    "Quelle est la clef de l’énigme de l’essence du monde" ? Quel est le lien entre corps et volonté ? Peut-il y avoir une métaphysique de la nature ? Quid de l’art et de l’expérience esthétique ? Ce sont autant de questions qu’aborde ce Schopenhauer.

    Hugo Batini réussit à faire du philosophe non plus ce vieillard acariâtre mais un homme sachant parler de la nature, de la compassion, de l’amour et des arts. Un Schopenhauer enfin révélé.

    BC

    Ugo Batini, Schopenhauer, éd. Cerf, coll. Qui es-tu ?, 2020, 200 p.
    https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18941/schopenhauer
    https://www.schopenhauer.fr

    Voir aussi : "Dante, voyage au bout de l'enfer"

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