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  • Sur un air de Rameau

    Dire que les séries françaises ont le plus grand mal à parler de politique et de notre société est un doux euphémisme. Il y a bien entendu ces exceptions (Baron Noir, Vernon Subutex ou Hippocrate), mis avouons tout de même que les grandes chaînes de télé françaises se la jouent très souvent plan-plan : scénarios convenus, personnages caricaturaux, dialogues indigents. Une série a cependant attiré l’attention de Bla Bla Blog par son choix de faire de la politique-fiction autant qu’un vrai drame social qui nous renvoie le visage d’une France au bord de la crise de nerf.

    Les Sauvages commence par l’ascension irrésistible d’Idder Chaouch aux plus hautes fonctions de l’État. Figure marquante d’une immigration qui a réussi, le soir du deuxième tour de l’élection présidentielle un coup de feu éclate. Le futur Président s’écroule. En quelques heures, la France plonge dans l’incertitude et le chaos. Et avec elle, la propre famille de Chaouch, à commencer par Jasmine, la fille d’Idder. Fouad, son petit ami, voit son destin et ses rêves se briser. Il rejoint sa famille et ses proches à Saint-Étienne, afin de comprendre ce qui s’est passé. Il est soutenu par Marion Rihbeiro (Marina Foïs), responsable de la sécurité du Président.

    Sur un air de Rameau (plus précisément des Indes Galantes), la série Les Sauvages conte une double histoire familiale : celle des Chaouch, bien sûr, derrière la figure d’airain d’Idder (avec un impressionnant Roschdy Zem), qui est l’histoire d’une réussite sur fond d’intégration réussie, mais qui n'est pas sans susciter haines, jalousies et manœuvres politiciennes. Plus crépusculaire, le chemin des Nerrouche, dont Fouad semble être le surdoué et le fils prodige, n’est pas le moins intéressant. Les Sauvages est le tableau d’une France qui se déchire, ou du moins ne se comprend plus. Sur fond d’attentat, la série de Rebecca Zlotowski raconte ces angles morts de la République qui ont pour nom : "incompréhensions", "communautarismes", "frustrations" ou "erreurs."

    La série réussit parfaitement à faire monter la pression tout au long des six épisodes, ponctuant la série de scènes fortes, à l’instar d’un match de football au stade Geoffroy-Guichard ou du dernier discours d’Idder Chaouch.

    Il semblerait qu’aucune saison 2 des Sauvages ne soit en préparation : les créateurs ont signé avec Les Sauvages un énorme coup de poing, d’une très grande pertinence pour parler d’une France méconnue, et sans caricature. Une suite pourrait-elle apporter plus ? Sans doute non.

    Les sauvages, série dramatique de Rebecca Zlotowski et Sabri Louatah, avec Roschdy Zem, Amira Casar, Marina Foïs, Sofiane Zermani et Souheila Yacoub, France, saison 1, 6 épisodes, Canal+, 2019
    https://www.canalplus.com/series/les-sauvages

    Voir aussi : "Vernon et ses amis"

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  • Clatpton, toujours debout

    Il y a très certainement un mystère Eric Clapton, mystère que le documentaire exemplaire de Lili Fini Zanuck, Eric Clapton : Life in 12 Bars, entend dévoiler. Grâce à des archives riches, inédites et étonnantes (que l’on pense à ces images volées de défonces et de plongées dans l’enfer de la dépression pendant les seventies), ce film propose la découverte passionnante d’un des plus grands musiciens de ces 60 dernières années. Eric Clapton, bluesman et rockeur de légende, et sans doute le plus grand guitariste que la terre ait porté, apporte largement la pierre à cet édifice en revenant sur sa carrière mais aussi sur une enfance et une vie privée qui ont contribué à la légende de l’artiste anglais.

    Les jeunes années de Clapton commencent par un secret de famille qu’il n’a cessé de porter comme un fardeau, et qui peut expliquer sa relation compliquée avec les femmes : fils d’une adolescente trop jeune pour s’occuper de lui, ce sont ses grands-parents qui l’élèvent. Il n’apprendra qu’à l’âge de neuf ans que celle qu’il pensait être sa mère était en réalité sa grand-mère et que celle qu’il prenait pour sa sœur n'était rien d'autre que sa génitrice…

    Sans appuyer sur cette période importante, Lili Fini Zanuck en fait le point de départ d’une carrière à la fois incroyable et chaotique, qui passera par le groupe Cream – le premier et sans doute le plus grand supergroupe de l’histoire du rock. Remarqué par ses dons de guitariste, Clapton est adulé par des artistes majeurs comme BB King, Jimi Hendrix (dont le décès l’affectera durement) et George Harrison.

    "Je ne me suis pas suicidé pour la seule raison qu’un mort ne boit pas"

    L’ex-Beatles va suivre Clapton, l’encourager à travailler sur l’Album Blanc et connaître une vraie amitié, amitié qui va être cependant entachée par une autre relation : celle que Clapton va entretenir avec la propre femme de Harrison, Pattie Boyd. Cette histoire d’un amour interdit va se finir, comme souvent, en chanson : ce sera Layla, une des plus beaux titres sans doute de l’histoire de la pop ("What will you do when you get lonely? / No one waiting by your side / You've been running, hiding much too long / You know it's just your foolish pride"). Lili Fini Zanuck en fait le point de bascule d’une période cruciale et tourmentée, à grands coups de rushs, de vidéos en Super 8 inédites et de sessions d’enregistrements. Eric Clapton traverse des années noires : dépression, liaison difficile avec Pattie Boyd, drogues et alcool. "Je ne me suis pas suicidé pour la seule raison qu’un mort ne boit pas" avoue le musicien.

    Au début des années 90 l'artiste connaît une tragédie personnelle qui va impacter durablement son existence et sa carrière : la mort de Connor, son jeune fils de quatre ans, qu’il a eu avec l’Italienne Lory Del Santo. Son enfant se défenestre accidentellement en mars 1991 du 53e étage d’un immeuble à New York. Eric Clapton, plus robuste qu’on ne le croyait, se raccroche à la musique (le spectateur ne peut être que bouleverser par l’ultime lettre que lui a laissé son fils). La suite ? Le mythique album Unplegged et ce bijou pop-folk qu’est Tears in Heaven, dédié à la mémoire de son fils.

    Eric Clapton, survivant parmi les survivants de cette période passionnante que sont les années 70, poursuit un chemin artistique d’une richesse prodigieuse, alliant à cela un sens aigu de l’altruisme, comme le remarque fustement BB King. Un grand bonhomme que fait revivre le documentaire de Lili Fini Zanuck, Eric Clapton : Life in 12 Bars. À découvrir en ce moment sur Canal+.

    Eric Clapton : Life in 12 Bars, documentaire de Lili Fini Zanuck
    Royaume-Uni, 2017, 135 mn

    En ce moment sur Canal+

    Voir aussi : "Bowie is Outside"

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  • Ce que souhaite Tarsius

    Rock, pop, chanson ou world : quelle étiquette mettre sur le premier album des 6 garçons de Tarsius ? Avancer, leur opus, s’avère à la fois à la fois rigoureux, rythmé, engagé et volontiers mutin, mêlant chansons à la Bashung et pop-rock nerveux assumé jusqu’au bout des baguettes (Take the first train), avec je ne sais quoi d’influences latinos ou africaines (Avancer contre le vent, Use It Move It Do It).

    Nous voilà sur la route, comme le suggère la pochette de l’album, justement intitulé Avancer. Et il est vrai que l’on visite des terres bien plus hétéroclites que ne le laisseraient penser un album a priori très rock (Dancing In The Graveyard), mâtiné par moment de rockabilly tribal (Le Vaudou Love) ou de pop-folk à la Midnight oil (Fuel The Rocket).

    Tarsius ne renie pas avoir biberonné aux sons yankees (Take The First Train), sans pour autant renier la chanson française – celle de Brel ou de Bashung (Je ne veux rien d’autre que toi). Dans leur titre Le Rouge au front, nous voilà dans une pop résolument française, aux influences 80’s. Le titre qui nous conte avec un romantisme confondant une histoire d’amour secrète et romanesque : "J’ai voulu voir la vie en rose/ Et tu m’as mis le rouge au front." On reste dans les eighties de Chagrin D’Amour avec Achète du sexe, qui nous plonge dans le Pigalle des années érotiques ("Achète ce que tu souhaites").

    Tarsius a pris le temps de laisser infuser des influences venues du rock anglais, du blues mais aussi de la world music (Fais comme les bonobos, Afrobayous), pour imaginer des chansons reflétant l’air du temps : "Arrête de penser que le temps est assassin… Arrête de courir après le vent." Afrobayous, le titre finalement le plus américain de l’album, est un chant à la gloire des esclaves noirs – sur un air de blues, bien entendu.

    Plus électro pop que disco à vrai dire, Disco 2059 est un vrai cri hargneux et amer, comme si nos enfants et petits-enfants allaient faire claquer leurs talons sur des pistes de danse, dans un monde post-apocalyptique (réseaux sociaux suceurs de cerveaux, armées dans des états de non-droit, montagnes de piles, "à la lanterne les nantis, riches, pauvres, à la bougie"). Voilà, pour le dire autrement, un titre enragé et engagé : "En l’an 2059, / Plus de musiques", pandémies, abstinence, colères, masques à gaz." Mickey 3D l’aurait dit autrement : "On ne va pas mourir de rire."

    Tarsius, Avancer, Fo Feo Productions / Caroline International, 2019
    http://www.tarsiusmusic.com
    https://www.facebook.com/tarsiusmusic

    Voir aussi : "La vie sauvage"

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  • Et César créa le singe

    Bla Bla Blog ouvre de nouveau ses pages à L’‎Œil du frigo, après un long silence. Nous pensions réouvrir cette séquence cinématograpique et frigoristique à Joker. Mais finalement non : nous parlerons de ce film mémorable lundi prochain. cette semaine, c'est de La Planète des Singes que nous allons parler. Pourquoi ? Comme ça

    Nous voilà plongé dans le fantastique. Bien loin de La Planète des Singes originale, nous avons ici un singe qui va évoluer grâce à un savant produit génétiquement modifiant. César, le singe qui maintenant a un cerveau de polytechnicien, élabore des plans et des stratégies pour être plus humain que les hommes. Nous sommes à la genèse, et à la genèse il y a toujours un frigo.

    César sait où se cache le produit qui rend plus homme que singe. Il s'échappe de son camp de concentration pour singe et se dirige tout droit vers le frigo de son ancien maître "grand sage généticien" qui a mis au frais sa potion magique. César ouvre le frigo comme une caverne d'Ali Baba, l'air grave, même pour un singe... C'est important de ne pas faire le singe dans un moment aussi tragique que le basculement de l'humanité vers l'animalité.

    Il faut quand même rendre hommage au caméraman qui se tient au fond du frigo en attendant qu'un singe ouvre la porte à la recherche de la potion magique qui s'applique comme un déodorant. Il aurait pu intervenir, mais non : il laisse faire le destin, l'enfant naturel du couple couché dans le lit, innocent comme Adam et Eve enfantant un nouveau monde. Un hominidé de l'ordre des primates connait l'utilisation du frigo pour y cacher les grandes inventions de ce monde. D'ailleurs, il n'y a rien d'autre dans ce frigo à part deux trois bouteilles qui ressemblent à des sauces, des condiments : un air de fin de règne de l'humanité où les hommes ont abandonné les frigos... Erreur stratégique : la civilisation humaine ne peut survivre que si son frigo est bien achalandé : ça lui évitera de mettre des sprays d'évolution de primate dedans pour qu'on se fasse anéantir.

    César et son déodorant (pour au moins 48 heures de fraîcheur) s'éclipsent en détruisant quelques voitures au passage, déjà le début fracassant de la fin de l'humanité qui a sacralisé la voiture. Tout est dit dans cette séquence. César va rafraichir ses amis primates pour qu'ils trouvent eux aussi l'intelligence et la parole. Des généraux hominidés qui ne conduiront aucun véhicule et se déplaceront à cheval. Rien ne va plus : le monde est en perdition, et tout ça à cause (grâce à) un frigo.

    ODF

    La Planète des singes : Suprématie, film de SF de Matt Reeves
    avec Andy Serkis, Steve Zahn, Woody Harrelson et Amiah Miller
    Etats-Unis, 2017, 140 mn

    Voir aussi : "L’‎Œil du Frigo débarque sur Bla Bla Blog"
    "Planète des Singes frigo"

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