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nouvelle-orléans

  • Les cygnes du crime

    Pour Encens (éd. SNAG), Johanna Marines transporte le lecteur à la Nouvelle Orléans, en 1919. Mais il s’agit d’une Louisiane imaginaire, dans un style steampunk. Ce sous-genre de la fantasy utilise la culture et l’esthétique des révolutions industrielles. Dans ces mondes imaginaires, se côtoient machines à vapeur, costumes victoriens ou second empire, bâtiments haussmanniens et omniprésence de l’acier.

    Dans Encens, l’Amérique de Johanna Marines est celle d’une Louisiane encore marquée par l’esclavagisme, la ségrégation et la Guerre de Sécession. Mais les progrès scientifiques ont conduit à la création d’illusionnautes, des ouvriers mécanisés qui ont remplacé les esclaves noirs ("[Les] automates [ont] remplacé nos pères dans les champs de coton") et ont pu par là même générer de nouveaux problème pour la société – imaginaire – de l’époque. Aux revendications de liberté pour ces machines répond une défiance de la part des êtres de chair et de sang. Cette coexistence difficile a conduit à des drames : "Les conflits entre automates et humains n’étaient qu’un éternel recommencement. Il y avait eu trop de morts dans les deux camps. Les souvenirs des fusillades et des exterminations de masse des illusionnautes, les automates de première génération, étaient dans toutes les têtes". Voilà pour le tableau général de ce roman. 

    Grace Parkins travaille au Mechanic Hall comme voyante dans le plus célèbre aérocabaret de la ville, au milieu d’artistes aussi bien humains que mécaniques. La jeune femme - noire - vit, comme ses contemporains, les pensées absorbées par une sombre menace : un tueur à la hache sévit à La Nouvelle Orléans. Il se trouve d’ailleurs que son propre père, policier, est chargé de l’enquête. Et si, en fait, il y avait deux tueurs au lieu d’un ? 

    Maligne, Johanna Marines fait de l’imaginaire un médium pour parler finalement de nous et de nos sociétés

    Le premier intérêt de cet étonnant roman de Johanna Marines est bien entendu l’univers de fantasy steampunk : une Amérique fantasmée, des robots mécaniques, un XIXe siècle imaginé. Nous voilà dans un monde fascinant, avec une héroïne attachante et non sans blessures ni secrets. Ajoutez à cela des inventions incroyables, avec notamment ce fameux cabaret aérien.

    Encens est aussi une histoire policière sur fond de tueur en série (au masculin ou au pluriel – je ne vous en dit pas plus). L’intrigue criminelle va vite mettre Grace Perkins, bien malgré elle, en situation de protagoniste mais aussi de témoin. Car le passé peut  revenir comme un boomerang : "Les objets et les gens de notre enfance nous semblent toujours en vie dans notre esprit. On pense qu’ils ne vieillissent pas quand ils sont loin de nous, pas vrai ? Pourtant le temps passe pour eux aussi. On croit qu’ils plongent dans un profond sommeil".

    Les meurtres particulièrement pervers deviennent une histoire personnelle et familiale, avec la présence de William Perkins et de son confrère Anton en enquêteurs perdus dans cette course au coupable. Et si les illusionnautes pouvaient être la clé de ce mystère ?

    Dans cette Amérique décalée et étrange, les ferrailleurs, machines humanoïdes et autres robots mécaniques font figure de victimes renvoyant à la ségrégation noire. Car, ici, le racisme change de couleur, si j’ose dire. Roman de fantasy autant que thriller, Encens envoie une série de messages engagés. Maligne, Johanna Marines fait de l’imaginaire un médium pour parler finalement de nous et de nos sociétés. 

    Johanna Marines, Encens, éd. SNAG, 2021, 500 p. 
    https://www.facebook.com/JohannaMarinesAuteur
    https://www.instagram.com/johannamarinesauteur
    http://www.gesteditions.com/snag/encens

    Voir aussi : "Les veilleurs immobiles"

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  • Noir coton

    Autres temps, autres mœurs : alors que durant la longue carrière de Lucky Luke, l’homme qui tire plus vite que son ombre et son fidèle cheval Jolly Jumper côtoyaient la population du Far West la plus bigarrée qui soit – indiens, noirs, chinois ou latinos –, celle-ci était la plupart du temps réduite au second plan, pour ne pas dire caricaturée. Rien de grave à l’époque, car il ne s’agissait que de divertissement et d’humour. Sauf que l’époque a changé, et que des mouvements sociaux sont passés par là. 

    Lucky Luke, semble prendre un nouveau virage dans son dernier album, Un cow-boy dans le Coton. Le justicier solitaire sans peur et sans reproche, au courage et à la générosité chevillés au corps, se frotte cette fois au racisme du sud américain, suite à un héritage inattendu.

    Devenu propriétaire d’un champ de coton dans la Nouvelle-Orléans, Lucky Luke ne se voit pas abandonner l’aventure avec son fidèle destrier. Bien décidé à refuser l’héritage, il se décide à aller visiter ses terres, avant de les rendre aux ouvriers qui les exploitent. Évidemment, il faudra compter avec les voisins du domaine, des propriétaires blancs sans vergogne.

    Figures anachroniques et références bien actuelles

    Achdé au dessin et Jul au scénario font de ce nouvel album une savoureuse et intelligente respiration sociale dans un Far West – ou plutôt un Deep South – rarement vu dans un Lucky Luke. Les auteurs ont redonné vie à Bass Reeves, un cow-boy tombé dans l’oubli en raison de sa couleur. Une postface précise que 25 % des cow-boys étaient noirs et une grande partie de leur collègue était hispanique : ce "secret le mieux gardé du Far West" est révélé au grand jour.

    Dans cette histoire d’héritage encombrant et sur fond d’esclavagisme, les auteurs parsèment joyeusement la BD de figures anachroniques et de références bien actuelles : Angela, une femme noire revendicative qui n’est pas sans rappeler Angela Davis, deux enfants s’appelant Ophrah et Barack (sic), une sémillante blonde sudiste prénommée Mélania ou un gros propriétaire qui pourrait être un croisement entre Donald Trump et le personnage de Calvin Candie, joué par Leonardo DiCaprio dans Django Unchained.

    Étincelles garanties pour ce nouvel album du cow-boy solitaire le plus célèbre de l’histoire, et qui se termine par un événement qui n’est pas sans rappeler une actualité plus récente, toujours dans le sud profond américain.

    Achdé et Jul, Un Cow-boy dans le Coton, éd. Lucky Comics, 2020, 46 p.
    https://www.dargaud.com
    http://www.lucky-luke.com/fr

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"

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