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Photographie - Page 4

  • Tuane Eggers, La photographe du dimanche

    Bla Bla Blog fait le focus sur le site culturel French Saucisse, à la pointe dans la découverte de talents de France et d’ailleurs.

    Cette semaine, French Saucisse met à l'honneur la talentueuse photographe brésilienne Tuane Eggers. Avec ses doubles expositions mélangeant nature et portraits, Tuane Eggers capture l’esprit de la forêt dans une magnifique série d’images.

    http://www.frenchsaucisse.com/tuane-eggers-photographe-jour
    http://tuaneeggers.tumblr.com
    Tuane Eggers sur Instagram

  • Vite, Matthieu Suprin !

    Il ne vous reste que deux jours pour découvrir l’exposition de Matthieu Suprin, "La croisée des chemins, à la galerie Art En Transe Gallery (Paris 3e).

    À travers "La croisée des chemins", Matthieu Suprin nous offre un regard intimiste et élégant sur les peuples d'Asie. Cette exposition retrace ses pérégrinations en Birmanie, au Cambodge et au Laos.

    Bla Bla Blog est partenaire de cette exposition humaine et bluffante.

    Matthieu Suprin ,"La croisée des chemins"
    Jusqu’au 6 novembre 2016
    Art En Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris, 3e
    http://www.matthieusuprin.com

    © Matthieu Suprin

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  • Matthieu Suprin, l’art du portrait

    De ses voyages en Asie, Mathieu Suprin a rapporté une série de portraits frappants et touchants. Pas de sensationnalisme, de dépaysement facile ou de sensiblerie dans ses clichés au plus près de ces personnes mais des témoignages glanées au fil des rencontres avec des hommes, des femmes, des enfants.

    Né en 1976 à Auxerre, Mathieu Suprin se destinait à une carrière toute tracée dans les médias, la communication et la publicité avant que la photographie ne s’impose à lui via le portrait, de ses proches d’abord, avant une première exposition en 2011 suite à un voyage au Burkina-Faso.

    Dans sa dernière exposition, "La croisée des chemins", présentée à la galerie Art En Transe Gallery (Paris 3e), c’est l’Asie que Mathieu Suprin met à l’honneur après une série de périples de en Birmanie, au Cambodge et au Laos. Ces portraits ramenés de l’autre bout du monde captivants par leur proximité et leur humanisme.

    Matthieu Suprin capte au plus près les visages, les bouches et surtout les regards tour à tour interrogatifs, implorants, rieurs, perdus, cabotins ou innocents.

    Arpentant l’Asie, le photographe a ramené des clichés sans artifice ni misérabilisme, des "morceaux d’une vie" comme il le dit lui-même : scènes de baignades, moments de méditations ou de prières, personnages assoupis ou inconnus pris sur le vif dans leur vie quotidienne . Ce n’est pas l’exotisme que Matthieu Suprin. Son approche artistique est guidée par l’humanité, la simplicité et le respect du sujet : "Il faut parvenir à s’abandonner à un pays, une culture et des gens différents. Prendre le temps d’apprivoiser un nouvel environnement et faire en sorte qu’il nous adopte en retour, et agir avec le plus de respect et d’humilité possible", dit-il.

    L’œil aiguisé, la technique (le sens du cadrage, l’éclairage, le grain) mais aussi "le lâcher prise" du photographe parviennent à capter des moments d’une rare densité que l’on croirait parfois tirées d’un film : la course gracieuse d’une Birmane s’élevant au milieu de colonnades d’un temple, ce pêcheur remontant son filet, un joueur de billard cambodgien immortalisé dans ce qui ressemble à un tripot d’un autre âge ou bien encore cette femme endormie dans son magasin au milieu d’une forêt de statuettes.

    Matthieu Suprin se place à la distance idéale de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants pour nous les révéler dans leur intimité, avec humanité et respect.

    Matthieu Suprin ,"La croisée des chemins",
    Art En Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris, 3e

    http://www.matthieusuprin.com

    © Matthieu Suprin

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  • No signal

    Comment et pourquoi retourner à la nature ? Alors que plus de la moitié de la planète vit en milieu urbain, l’homme n’a jamais été aussi déconnecté de la nature et des grands espaces. Commencé en 2013, le projet de Brice Portolano, “No Signal” (en référence aux ondes radios et autres réseaux wifi omniprésents dans le monde contemporain), choisit de nous parler du retour, en plein XXIe siècle, de l’homme à la nature.

    Sans pour autant s’affranchir de la modernité ni se marginaliser, il s’agit pour ces individus de remettre en question des valeurs qui ne leur correspondent plus. Ces hommes et ces femmes ont fait le choix de vivre en pleine nature, que ce soit Tinja, éleveuse de chiens de traîneaux en Laponie, Ben et Katherine, éleveurs et agriculteurs non loin de Salt Lake City ou Jerry, ostréiculteur en Alaska.

    Dès sa sortie de l’École des Gobelins et durant trois ans, Brice Portolano, né en 1991, explore les grands espaces pour partir à la rencontre de ceux qui les habitent, des forêts enneigées de la Laponie aux steppes désertiques de l’Iran en passant par l’Alaska, l’Ouest Américain ou encore les Alpes Françaises.

    Ses maîtres mots : authenticité, aventure et liberté. Du haut de ses 25 ans, le photographe ne se targue pourtant pas d’être de la trempe d’un photo-journaliste mais d’un photographe documentaire inspiré et baroudeur : “Je suis fasciné par les photographes de mode qui arrivent à créer de belles images à Paris. pour moi c’est impossible, j’ai besoin de déséquilibre, de météo instable et d’un peu de chaos – c’est pour ça que j’aime autant voyager, il n’y a rien de plus agréable que d’être surpris par les éléments naturels.

    Brice Portolano est régulièrement publié en France et à l’international, notamment dans L’Obs, Le Monde, Stern, VSD, National Geographic Traveler ou The Daily Mail UK. L'exposition "No Signal" lui est consacrée à la galerie Art en Transe du 8 au 25 septembre 2016.

    Brice Portolano, “No Signal”, Exposition photo du 8 au 25 septembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4, Rue Roger Verlomme, 75003 Paris
    du mardi au samedi de 12h à 19h30 et le dimanche de 14h30 à 19h30

    www.entransegallery.com
    http://www.briceportolano.com

  • Bouées, sardines et jolies poupées

    patricia lm,concarneau,bretagne,porto,douarnenez,brest,warhol,polockC’est par hasard que je suis tombé il y a quelques jours sur la galerie d’art de Patricia LM, à Concarneau, non loin de la Ville Close. Sur quelques mètres carrés, l’artiste y présente un choix d’œuvres, après plusieurs expositions cette année à Porto (Galeria Adorna Corações, en mai et juin 2016), Brest (La Non Galerie, en mai et juin) et Douarnenez (août).

    C’est d’abord de photographie dont il est question, une photographie qui s’affranchit des règles, au point que spectateur peut légitimement hésiter sur la technique utilisée : s’agit-il de clichés ou de peinture  hyperréaliste ? Patricia LM utilise l’informatique et la technologie pour donner à ses photographies, imprimées sur plexiglas, métal ou toile, une nouvelle fraîcheur. Les objets les plus triviaux, tels ces robinets d’un autre âge, deviennent des tableaux warholiens d’une grande puissance, habillées d’un bleu subtil.

    Patricia LM retravaille de la même manière ses modèles féminins. L'artiste a pris le parti de les photographier en gros plan, s’intéressant aux jambes, aux pieds ou aux bustes. Les corps et les vêtements (dont une série sur les jeans) sont mis en valeur avec d’autant plus de respect que les clichés sont là aussi retravaillées et rehaussés de couleurs chaleureuses. Le bleu pastel, le gris velouté et le rose délicat se répondent, au service de photographies qui nous parlent d’intimité, de pudeur, de séduction ou de rendez-vous amoureux secrets dans des lieux interlopes.

    L’atelier de Patricia LM propose, outre les dessins au format à l’italienne de pin-up, d’autres créations étonnantes et qui ne sont pas à manquer. Ce sont d’abord ces bouées, en réalité parfaitement submersibles car elles ont été élaborées à partir de tuyaux métalliques. L’artiste en a fait de faux objets maritimes, transformés dans son atelier en installations légères grâce aux couleurs – le rose, le vert – et à l’utilisation du dripping, cher à Jackson Pollock.

    D’étranges et cocasses objets sont également proposés au visiteur : des boîtes de sardines "à l’ancienne", ouvrables grâce à une clé ("Mais c’est devenu difficile d’en trouver", précise, amusée, l’artiste). Patricia LM a fait de ces anciennes conserves de poissons de délicats objets colorés, complétés par quelques fragments de filets de pêche (après tout, nous sommes en Bretagne). Ce sont encore des filets de pêche qui sont utilisés comme matière pour construire d’étonnants bijoux. Cette jolie variété de créations fait tout le charme de cet atelier concarnois.

    Lorsque le folklore maritime rencontre le pop-art, ça donne ça.

    Atelier de Patricia LM, au coin de la rue Laënnec et de la rue Dumont D'Urville,
    Concarneau (Finistère)

    Page Facebook de Patricia LM
    ©Patricia LM

    patricia lm,concarneau,bretagne,porto,douarnenez,brest,warhol,polock

  • Baigneuse sortant des eaux

    Regardez cette photo devenue culte dans l'art contemporain. Qu'y voyons-nous ? Sur ce cliché de la photographe néerlandaise Rineke Dijkstra, une jeune fille est saisie un jour de baignade. L'adolescente, en maillot de bain une pièce, se tient figée face à l'objectif, devant une plage déserte, un paysage aux contours imprécis, une mer agitée et un ciel grisâtre. Elle a l'apparence d'une adolescente frêle et timide. Sur sa peau blanche, des marques de bronzage se devinent et quelques mèches de cheveux s'agitent au vent. Son sourire est énigmatique et sa pose cambrée comme empruntée. À quoi pense-t-elle ? Son regard bleu soutient celui du spectateur sans rien dévoiler de l'expression de cette plagiste.

    Qu'est-ce qui a bien pu faire la postérité de ce cliché, le premier d'une longue série qui a mené la photographe Rineke Dijkstra sur des plages d'Europe et d'Amérique du Nord, sur les traces de jeunes baigneuses comme celle-ci ? Le modèle, une adolescente comme il en existe des millions d'autres dans nos contrées, n'est pas mise en valeur pour sa plastique et le cliché est dénué de tout érotisme.

    La scène racontée par Rineke Dijkstra est banale : la jeune baigneuse photographiée le 26 juillet 1992 sur une plage de Pologne (Kołobrzeg) aurait tout aussi bien pu être photographiée de nos jours, sans qu'aucun détail ne change. Alors d'où vient alors l'irrésistible attraction de cette scène ordinaire si elle ne vient ni du modèle ni de l'histoire racontée ? Peut-être justement à son intemporalité et à son classicisme.

    Classique, justement, est le sujet choisi par Rineke Dijkstra : une scène de bain. À ceci près que les artistes passés ont souvent représenté leur modèle nue et le plus souvent dans des poses érotiques. Tel n'est pas le cas, comme nous l'avons dit, pour cette photographie de 1992.

    naissancedevenus.jpgUne peinture est d'ailleurs emblématique de cette tradition : La Naissance de Vénus de Boticelli. Cette peinture profane représente un personnage mythologique, Vénus, sortant des eaux sur une coquille Saint-Jacques géante. Sous une pluie de roses, elle est accueillie sur une plage par, à sa droite, Zéphyr et sa femme Chloris, la déesse des fleurs, et à sa gauche par une des trois Heures personnifiant le printemps. L'observation de l’œuvre de Botticelli remet en perspective la photographie de Rineke Dijkstra. La fascination pour cette baigneuse polonaise prend ici tout son sens : l'adolescente polonaise en maillot une pièce, c'est Vénus.

    La similitude des deux modèles est flagrante : la pose déhanchée des personnages à la peau blanche, les boucles de cheveux agités par le vent, la main gauche posée sur une cuisse, jusqu'aux pieds de cette baigneuse polonaise reprenant dans un mimétisme troublant la posture de la Vénus renaissante. L'adolescente gracile devient sous l’œil de la photographe néerlandaise une jeune déesse, au milieu d'un paysage désert lui aussi "très renaissance" : l'effet vaporeux de la plage et de la mer n'est pas sans rappeler la technique du sfumato, chère à Léonard de Vinci.

    La jeune baigneuse de Rineke Dijkstra, vue et interprétée sous l'angle du tableau du tableau de Botticelli, devient une œuvre d'art fascinante et, du même coup, un classique de la photographie contemporaine.

    Dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste, Rineke Dijkstra est une des artistes invitées par la Frac Haute-Normandie pour l’exposition "Portrait de l'artiste en Alter" à Sotteville-lès-Rouen, du 28 avril au 4 septembre 2016.

    Rineke Dijkstra, Kołobrzeg, Pologne, 26 juillet 1992
    Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1486, Florence, Galerie des Offices
    "Portrait de l’artiste en alter", FRAC Haute-Normandie, Sotteville-lès-Rouen
    du 28 avril au 4 septembre 2016, du mercredi au dimanche de 13H30 à 18H30, entrée libre

    © Rineke Dijkstra

  • Impressionnantes couleurs

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinskiEt soudain, la couleur fut. En présentant, dans le cadre de Normandie Impressionniste, une rétrospective consacrée à John Batho, le Musée de Normandie et l’ARDI-Photographies rappellent que jusqu’aux années 60, la couleur est considérée comme n’avoir pas sa place dans la photographie d’art. À l’époque, la photographie couleur est dévolue à la sphère commerciale et réservée à la mode et à la publicité.

    Après 1968, plusieurs précurseurs de la photographie d’art en couleur entendent prouver que la couleur n’est pas "corruptrice" ni "vulgaire" (des accusations du photographe américain Walker Evans en 1969). John Batho fait partie des pionniers : il fait le choix de la couleur dans ses œuvres dès 1963 grâce à des prises de vues réalisées en Kodachrome : "La présence physique de la couleur, la joie qu’elle me procure est au cœur de mes préoccupations. La couleur participe de ce que je vois, j’ai donc photographié en tenant compte de sa présence dans l’épaisseur matérielle des choses." Il expose ses premiers travaux en 1977.

    Le festival Normandie Impressionniste propose de découvrir ou redécouvrir cet artiste généreux, à travers plusieurs séries, dont certaines inédites.

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinskiSes premiers séries, "Normandie intime" (1962-1978), se situent aux antipodes de ses confrères américains. Là où Helen Levitt, Joel Meyerowitz ou William Eggleston (Memphis, 1969-1970) immortalisaient des scènes urbaines théâtrales, John Batho choisit, à l’instar des Impressionnistes du XIXe siècle, des sujets de la vie quotidienne et des moments ordinaires qui font, par là, la force documentaire de ses premiers travaux. Cette première série offre de touchants clichés intimes : le regard interrogateur de la fillette au papillon, l’étonnement du jeune enfant au pull-over rouge devant son reflet ou cet autre enfant fleuri et joyeux dans un paysage verdoyant de Normandie.

    Plusieurs œuvres de Batho déclinent des scènes intimes chères aux Impressionnistes : la jeune fille devant sa bande dessinée ne renvoie-elle pas aux scènes de lecture chez Renoir ? La lavandière observée en arrière plan par une fillette ne fait-elle pas penser à ces personnages de Degas ou de Manet ? Les natures mortes ou les paysages normands photographiés par Batho ne renvoient-ils pas à ces tableaux champêtres bretons de Boudin ?

    La série "Honfleur, couleur locale" (1967-1972) nous parle, bien plus que la précédente, d’une époque disparue. L’artiste immortalise des scènes de la vie quotidienne à Honfleur, à l’instar d’Eugène Boudin : bateaux de pêcheurs, vues du port normand et habitants saisis dans des moments ordinaires. Le spectateur revit un passé disparu à travers des détails plein de nostalgie, mais aussi d’humour : un enfant en culotte courte, une jeune femme et son enfant au landau, un troquet d’un autre âge que l’on croirait sorti d’un roman de Georges Simenon ou une charrette à cheval croisant un voyageur à la valise. Peintre de la couleur, John Batho magnifie les paysages gris, ternes et brumeux de ces scènes en mettant en valeur quelques touches de couleurs : les voiles orangées des bateaux, le garçon au pull-over framboise penché au-dessus de l’eau, la jupe vichy de la jeune maman, la fillette rouge assise au pas de la porte ou la surveillante à la robe tâchée face à "ses" trois balayeuses.

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinski"Giverny" (1980-1984) place John Batho dans la continuité de Claude Monet. En 1980, le photographe est invité pour les besoins d’un documentaire télévisé sur les frères Lumière à revisiter le jardin de Claude Monet à Giverny, qui ont été restaurés en 1977. Batho cherche "l’instant juste", au point de s’interroger "si l’impression qu’on a reçue a été la vraie." Tout Claude Monet est là, dans ces clichés de Giverny : fragiles nénuphars, floraisons délicates, couleurs explosives ou au contraire délicatement déposées au milieu de plate-bandes luxuriantes, pont japonais surgissant timidement de la brume matinale, reflets d’étangs saisis à la verticale. Batho saisit les détails d’un jardin emblématique, attentif aux métamorphoses de la lumière, comme avant lui Claude Monet. Ses prises de vue font dialoguer ciel et eau, verticalité et horizontalité : les nénuphars semblent embrasser les nuages et les saules pleureurs font corps avec le bleu du ciel et des eaux.

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinskiLa suite "Déchiré" (1986) frappe par le surgissement brut et abstrait de la couleur dans des prises de vue paysagères – et "aléatoires". La déchirure béante d’un papier rouge vif laisse apparaître un paysage verdoyant, permettant en même temps un jeu avec les couleurs complémentaires rouge et vert.

    Le travail sur l’angle de prise de vues dans les clichés de "Giverny" et celui sur les couleurs dans "Déchiré" sont mis à profit dans la série des "Nageuses" (1990). "L’eau et le ciel ne font qu’un" explique John Batho. De jeunes nageuses flottent dans une piscine de Trouville. Les couleurs – jaune, magenta, cyan, rose – claquent dans un élément liquide sans profondeur. Les corps ondulent avec grâce ou semblent s’immobiliser dans une composition parfaite et proche de l’abstraction.

    La série des "Parasols" (1977-2011) a contribué à la réputation de John Batho. Le photographe reprend à son compte une citation de Cézanne : "Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude". Les parasols de Deauville déclinent une forme moderne dans un paysage cher à Eugène Boudin. Aux teintes grises ou d’un bleu léger du ciel, répondent les couleurs primaires (et parfois secondaires) des parasols, seuls ou en groupes. Ces objets deviennent des êtres vivants, autonomes et familiers.

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinskiC’est encore la plage qui est le centre du travail du photographe. "Sur le sable" (2004-2009) s’intéresse cette fois à ces contemporains, des plagistes de Cabourg immortalisés dans des moments hors du temps. Sur le sable des personnages, des groupes ou des objets témoins forment des compositions graphiques, colorées et poétiques, avec toujours l’omniprésence du sable – et l’absence de la mer : "La plage s’offre comme un espace familier et différent, où l’on regarde en soi, comme au loin, pour rêver, pour ne penser à rien".

    batho,monet,boudin,ardi-photographies,caen,kandinskiEn 2015, John Batho propose une série poussant plus loin sa réflexion sur la couleur, les éléments naturels et la création photographique. "Nuages-peintures" sont des œuvres mêlant peinture et photographie. Après avoir peint sur une grande feuille blanche de larges coulées de peinture noire, John Batho en fait des prises de vue. Ces traces picturales servent de "réserves" pour y inscrire des photographies de ciel nuageux : "Se trouvent alors associés le geste pictural et l’indice photographique, évitant ainsi la coupure des lignes droites et des angles… Ces fragments évoquent l’idée de peindre avec les nuages et leurs nuances, de les retenir ainsi dans l’instant, dans l’immobilité de la peinture et de la photographie."

    Artiste attachant, proche de nous et émerveillé par le pouvoir de la couleur ("D’un point de vue strictement physique, l’œil sent la couleur" affirmait à ce sujet Wassily Kandinski), John Batho s’affirme comme un expérimentateur de la photographie et un chercheur de lumières, de sensations et d’impressions.

    John Batho Histoire de couleurs 1962-2015, Musée de Normandie - Château de Caen,
    avec l’Ardi-Photographies, 16 avril-26 novembre 2016
    Catalogue d’exposition John Batho, Histoire de Couleurs, sous la direction de Céline Ernaelsteen et Alice Gandin, éditions Terrebleue, ARDI-Photographies, Musée de Normandie - Château de Caen, 2016
    musee-de-normandie.caen.fr
    normandie-impressionniste.fr
    ©John Batho

     
    LSF-Musée de Normandie : exposition "John Batho" par MuseedeNormandie

  • Aurélie Dubois unmakes sex

    "Qui es-tu pour ne pas te reconnaître ?" annonce le site Internet d’Aurélie Dubois. La citation de Daniel Androvski, psychanalyste et écrivain, annonce la couleur : les œuvres qui sont proposées par l’artiste risquent d’en dérouter plus d’un et nous tendre un miroir dérangeant sur le corps, le désir, le fantasme et le sexe. Une démarche revendiquée par Aurélie Dubois, "artiste de garde", qui affirme ceci : "Je considère que je ne fais que traduire la météo des pulsions."

    Graphiquement, l’influence de la bande dessinée est flagrante dans les œuvres de l'artiste datées de 2006. Il y a aussi de l’Egon Schiele dans cette manière de représenter ses nus et ses scènes de couples : corps contorsionnés, visages grotesques, scènes de sexe caricaturales, travail sur les cadrages. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Aurélie Dubois reste une artiste au talent de portraitiste indéniable, comme le prouvent ces portraits de 2007 et 2012, ainsi que ces autres dessins de 2008 à 2010 d’une élégante maîtrise graphique – ce qui n’exclut pas son travail sur la déstructuration des corps.

    À partir de 2010, Aurélie Dubois a travaillé sur les lavis. Exit le réalisme graphique. Cette fois, les personnages sont ces masses sombres grimaçantes, des êtres hybrides sortis de nulle part et rejetant des sécrétions de toute nature (urine, sperme, excréments et cetera).

    2011 voit arriver une série de dessins tout aussi surréalistes : les personnages qu’Aurélie Dubois met en scène sont ces petits êtres que l’on croirait tout droit sorti d’une autre planète. Têtes surdimensionnées, yeux globuleux, absence d’oreilles et de cheveux... mais pourvus de sexes. Ces aliens – mais nous sont-ils si étrangers que cela ? – se tancent, copulent (en couple ou en groupe), se mutilent, se démembrent et se torturent.

    aurélie duboisLe spectateur peut être troublé par ces œuvres. Il le sera sans doute bien plus par cette série de dessins de 2013, faits sur des pages de cahiers d’écolier. "Mes parents m’ont donné la vie par le sexe" annonce le texte en écriture cursive et scolaire. La série de dessins est un parcours fait de douleurs, de tortures et de mutilations d’une jeune fille. On pourra y voir autant des scènes tout droit sortis d’un livre du Marquis de Sade que des représentations de meurtres sordides si familiers des rubriques faits-divers ou bien des représentations symboliques de la souffrance humaine.

    Tout en gardant son attrait pour les corps déstructurées, les dessins suivants de 2013 et 2015 brillent par leur fausse naïveté (voir ces exemples), leur maîtrise graphique et ce surréalisme poétique non dénué d’humour noir. Aurélie Dubois "décapite" également le genre masculin dans cette autre série pour s’intéresser aux femmes : scène de nativité, nues dans des positions atypiques, filles démembrées ou écorchées, femmes-arbres, danseuses, arlequin, acrobate, scènes érotiques lesbiennes ou encore ce somptueux trio rouge et noir.

    Les lavis au format Jésus (2015) frappent par leur noirceur, le travail d’ombres et de représentation des corps et des organes dans tous leurs états : disputes apocalyptiques, accouchements monstrueux, meurtres, mutilations, scènes familiales où l’inceste n’est jamais loin.

    Dans ses dessins les plus récents datant de 2015, Aurélie Dubois propose des scènes faussement naïves et bourrées d’humour noir que Topor ne renierait pas avec ces personnages grotesques voire libidineux. Les lavis à l’eau croupie (sic), présentent, eux, des portraits à la facture expressionniste.

    aurélie duboisAurélie Dubois est aussi photographe. Son site nous donne un aperçu de son travail, basé sur l’autoportrait. Des portraits naviguant entre intimité, humour décalé (HDA love) et mises en scène morbides (Cut). Une troublante série de trois photographies de l’auteure buvant à un robinet, avant qu’elle ne disparaisse du champ (Urolanie). Des montages photographique de l’artiste dupliquée (Insexualité). L’humour noir, le travail sur le corps et le sexe et le fantasme se matérialise avec ces personnages grotesques, mutants et grimaçants (n’y aurait-il d'ailleurs pas l’influence du peintre chinois Yue Minjun dans un de ces personnages au rictus si caractéristique ?) : Skin, Mutants, Dirty water et Human Behavior (2013).

    aurélie duboisAurélie Dubois est présente au salon d’exposition collective Salo IV du 8 au 10 avril 2016. Elle y présente son oeuvre-phare, "Mes tresses s'amusent" (papier moisi et mine graphite, 150x188cm). Ce dessin, pièce maîtresse du salon, marque une étape importante dans l'oeuvre d'Aurélie Dubois. Mes tresses s'amusent frappe par ses dimensions (150x188cm) mais aussi par sa construction. Le visage centrale de la fille aux tresses, inquiétante de douleur, le visage marqué et comme écorché, alpague le spectateur. Dans un décor floral digne de ces vieilles tapisseries qui ont pu marquer notre enfance, une ronde de personnages surgit. Ces créatures apparaissent, flottent, nous interrogent ou se font menaçant. Deux mains se serrent, applaudissent ou se crispent. Une tête de mort est portée par une ménade. Une fillette que l'on croirait sortie d'un roman de Stephen King semble attendre son heure tout en se laissant envelopper par "des tresses-lianes". Une femme repose, endormie - ou morte  ? - dans les bras de son amant. Et toujours ces tresses, fil conducteur d'une oeuvre si complexe que l'on peut s'y perdre des heures. Chaque figure, chaque personnage apporte son lot de questions. Qui sont-ils ? Des souvenirs ? Nos rêves ? Les représentations d'un inconscient ?  Mes tresses s'amusent est le titre calembour choisi par une artiste qui se plaît à user de l'humour noir pour ses créations. Cette œuvre dessinée parvient à transcender l'érotisme, grâce à la maîtrise d'une artiste qui a fait du sexe et du fantasme son terrain de recherche.

    Le bloggeur ne peut enfin qu’inviter à se plonger dans le passionnant portrait filmé Dans l’Atelier d’Aurélie Dubois. Ce reportage sous forme de questionnaire de Proust permet de comprendre cette archéologue du désir et du fantasme au talent immense et féroce. Ses œuvres graphiques, photographies, performances et vidéos (The Corridors, Anamnèse ou Amour écrit en Fer) entendent nous remuer, nous interpeller, avec une vraie éthique : "éviter le toc de la morale".

    Le site d'Aurélie Dubois
    Page Wikipédia consacrée à Aurélie Dubois 

    Dans l’Atelier d’Aurélie Dubois
    Chez Cherry Gallery
    Salo IV, Salon du dessin érotique, du 8 au 10 avril 2016, 11 heures -20 heures
    Entrée libre, interdit aux moins de 16 ans
    © Aurélie Dubois 2016

    Dans l'Atelier d'Aurélie Dubois from Aurelie Dubois Artiste de Garde on Vimeo