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Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Put Your Soul on Your Hand and Walk. Il sera visible le jeudi 13 novembre à 20H30, vendredi 14 à 14H et mardi 18 à 18H. Soirée débat lundi 17 novembre à 20H30 avec Pierre Tartakowski, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme.
"Put your soul on your hand and walk est ma réponse en tant que cinéaste, aux massacres en cours des Palestiniens. Un miracle a eu lieu lorsque j’ai rencontré Fatem Hassona. Elle m’a prêté ses yeux pour voir Gaza où elle résistait en documentant la guerre, et moi, je suis devenue un lien entre elle et le reste du monde, depuis sa « prison de Gaza » comme elle le disait. Nous avons maintenu cette ligne de vie pendant plus de 200 jours. Les bouts de pixels et sons que l’on a échangés sont devenus le film que vous voyez. L’assassinat de Fatem le 16 avril 2025 suite à une attaque israélienne sur sa maison en change à jamais le sens."
Sous sa facture faussement naïf, la dernière bande dessinée de l’Israélienne Rutu Modan, Tunnels (éd. Actes Sud), a la qualité des œuvres riches, intelligentes et plus subversives qu’il n’y paraît.
Israël est si façonné par son histoire que l’archéologie tient une place capitale, et c’est justement cette science qui est au cœur de l’aventure que nous conte Rutu Modan.
Nilli Broshi, mère divorcée, élevant tant bien que mal son fils Doc’, est aussi la fille d’Israël Broshi. Le vieil homme est devenu sénile, après une carrière brillante comme archéologue et des fouilles ambitieuses, mais aussi une brouille avec son confrère Motké, devenu un chef de département important.
Lorsque Nilli découvre une vieille tablette chez un collectionneur, elle sait qu’elle est sur la piste de l’emplacement de l’Arche d’Alliance. Deux problèmes se posent : organiser et financer des fouilles au nez et à la barbe de Motké, afin de poursuivre l’œuvre du père de Nilli et le faire en territoires occupés. La jeune femme se lance dans l’aventure avec Doc’ – plus intéressé par les smartphones que par les vieilles pierres (ce qui aura une importance non négligeable) – mais aussi son frère, plus circonspect sur ce projet.
Projet archéologique ahurissant
Rutu Modan déroule sur près de 300 pages cette histoire de projet archéologique ahurissant, mêlant aventure digne d’Indiana Jones, récit géopolitique autour du conflit israélo-palestinien, réflexions sur le patrimoine religieux et historique juif et conflit familial autour de l’héritage intellectuel et spirituel d’un archéologue grabataire, dont on ne sait pas de quoi il est conscient.
L’humour grinçant est omniprésent dans cette histoire fourmillant de circonvolutions et de rebondissements : la vente de la collection privée de Monsieur Abouloff sous la pression de sa femme, le conflit avec le fonctionnaire et directeur de département Motké Sarid, le recrutement cocasse des ouvriers chargés des fouilles, sans compter la manière dont l’armée est mise à contribution. Il faudra aussi compter avec des Arabes perturbant les fouilles et l’intrusion de terroristes de l’État islamique. Rien que ça !
La dessinatrice s’inscrit graphiquement dans la tradition de la ligne claire, avec une Nilli héroïque comme le célèbre reporter belge à la houppette, mais non dénuée de malice, et sachant utiliser des coups tordus pour arriver à ses fins. Ou du moins essayer.
Il est bien entendu important de parler de théâtre en cette période de crise sanitaire. Et si les scènes restent fermées et confinées, il reste heureusement le livre.
L’un des meilleurs dramaturges contemporains, Wajdi Mouawad, est l’auteur de Tous des Oiseaux (éd. Babel), l’une de ses œuvres les plus marquantes. Découvrir son drame en texte garde sa puissance, même si évidemment rien ne vaut son adaptation sur scène. Il faut d’emblée préciser que Wajdi Mouawad avait prévu d’emblée que sa pièce soit jouée dans la langue de ses personnages – à savoir en allemand, en anglais, en arabe et en hébreu. Ce grand drame sur le thème du choc des cultures, des générations mais aussi des mémoires a été imaginé au début des années 2000, après les attentats du 11 septembre 2001.
Tous des Oiseaux commence comme une histoire d’amour à la Roméo et Juliette : Eitan, l’étudiant juif, et Wahida, une jeune Palestinienne, se rencontrent dans une bibliothèque américaine et tombent amoureux. Tout se brise cependant lors d’un voyage au Moyen-Orient : un attentat terroriste palestinien entre Israël et la Jordanie blesse gravement Eitan. C’est dans une chambre d’hôpital que Wahida vient le veiller alors que le jeune homme se trouve entre la vie et la mort. La famille du blessé est prévenue et se dépêche sur les lieux. Les parents et les grands-parents d’Eitan, des juifs vivant en Berlin, rejoignent la jeune Arabe. Au pied du malade, les personnages parlent et s’affrontent autour de leur identité, de leur passé, de leur culture, de l’amour du jeune couple mais aussi des traumatismes et des secrets de famille.
Pièce de l’universalité à plus d’un titre
Wajdi Mouawad a diviser son drame en quatre actes – "Oiseau de beauté", "Oiseau du hasard", "Oiseau de malheur" et "Oiseau amphibie". Des oiseaux qui sont aussi dans le titre de la pièce. Ces oiseaux perdus sont ces personnages déracinés et meurtris par leur passé – ici, la Shoah ; là, les guerres israélo-palestiniennes – qu’Etgar, le grand-père, énonce ainsi : "J’étais le dernier d’une lignée d’oiseaux sans port, sans branche, sans rien, moi le petit survivant." L’apparition à la fin de la pièce de Wazzân, personnage historique apparaissant tel un fantôme, déclame un conte animalier dans lequel un oiseau se fait amphibie pour se fondre parmi les poissons, ces étrangers ("Je suis l’un des vôtres").
Pièce de l’universalité à plus d’un titre, Tous des Oiseaux entend dépasser l’idée de séparation entre cultures. Wajdi Mouawad a fait le choix de ne pas rester sur cette histoire d’amour entre un Juif et une Arabe, mais d’invoquer les liens familiaux, les aïeux mais aussi les passés. Dans la postface, Sylvain Diaz insiste sur l’importance du dialogue pour "être à l’écoute de ce [que l’ennemi] éprouve… Il ne s’agit pas d’aller contre lui mais d’« aller vers »." En faisant en sorte que chacun des personnages fasse une route douloureuse vers sa propre identité, à travers une tragédie se fragmentant en scènes mêlant des lieux et des scènes différentes, Wajdi Mouawad compose une œuvre symphonique de chair et de sang. Cruelle et formidablement humaine.
De nombreuses critiques ont réagi à la sortie sur Netflix, en début d’année, de la série Messiah : cette histoire d’un homme venu de nulle part, incarnation pour certain d’un prophète extraordinaire, un Jésus du XXIe siècle, ne pouvait que susciter fascination, intérêt ou encore sarcasme.
En imaginant une intrigue eschatologique à notre époque, le showrunner Michael Petroni entend assumer jusqu’au bout son parti-pris de proposer une série mêlant le sacré, les conflits géopolitiques, des réflexions sur les crises actuelles, sans oublier des histoires particulières : le sombre agent israélien Aviram Dahan (Tomer Sisley), l’officier de la CIA Eva Geller (Michelle Monaghan), le jeune Arabe Jibril Medina (Sayyid El Alami) et bien entendu ce mystérieux Al-Massih (Mehdi Dehbi).
Messiah s’avère bien plus passionnant que ne le laisserait deviner sur le papier ce récit très new age qui ne lésine ni sur les symboles parfois très appuyés (l’arrivé du prophète à Washington notamment), ni sur les discours religieux s’inspirant largement des textes sacrés, ni sur des destins bouleversés par une apparition qui dépasse tout le monde (l’adolescente Rebecca et son pasteur de père ou encore le jeune Samir).
Un récit très new age
La série proposée par Netflix a nécessité de très importants moyens, comme le prouvent les scènes à Jérusalem ou dans la capitale américaine. Le spectateur est entraîné aux quatre coins du monde et suit des personnages fascinés, aimantés ou révulsés par ce nouveau messie apportant en réalité plus la guerre que la concorde.
Personnage insaisissable et incompréhensible, Al-Massih est tour à tour qualifié de héros arabe, de magicien, de personnage divin ou d’escroc. Qui est ce messie ? La question est au centre de la série, et plus la saison avance, plus l’incertitude s’épaissit, semant chaos mais aussi conflits.
La saison 1 s’achève par un accident qui rend le personnage de cette réincarnation christique encore plus fascinante, qui promet une sacrée saison 2 !
BC
Messiah, série dramatique de Michael Petroni Avec Mehdi Dehbi, Tomer Sisley, Michelle Monaghan, John Ortiz et Melinda Page Hamilton, Saison 1, 10 épisodes, États-Unis, Netflix, 2020 https://www.netflix.com