Musique ••• Contemporain ••• Hèctor Parra, Les Bienveillantes
D’abord un gros plan sur Muet
"Le Pic De Tout", titre qui ouvre l’album éponyme du duo Muet annonce la couleur : noir. Ou plutôt gris, avec toutes ses nuances, souvent des plus sombres. Ce premier morceau, aux vagues électroniques, fait de l’écriture poétique une arme pour parler de catastrophe environnementale et de l’impuissance des gens de peu à vivre dans l’espoir – voire à vivre tout court. L’originalité du propos – certes pas nouveau – est l’intrusion de l’anticipation et de la SF, certes tout aussi pertinente que pas franchement plus réjouissante : "Des fusées s’échappent de la terre / Emportant quelques milliardaires / Vers des horizons stellaires". Et que restent-ils à celles et ceux qui restent ? "du vide".
On retiendra le travail sur le texte dans cet album engagé. "Mille mots" dénonce les flux d’informations, les discours bavards, les mensonges se multipliant et la vitesse en continu. Les sons électros servent un album paradoxalement très humain : on souffre, on "tombe", on "flanche" ("Électrochoc"). Et si l’on se libérait ? Et si l’on allait "dessous les choses" ? Là "où puisent tous les poètes / Dort ce que l’on garde / Toutes les choses muettes" ? ("Dessous les choses").
L’auditeur sera sans doute plus subjugué encore par "Ailleurs", un titre qui fait le choix de la sobriété, de la mélancolie, de l’amour et de l’espoir : "Ailleurs te retrouverais-je ?" Tout aussi poétique, "Les sirènes" nous propose une aventure à la fois romanesque et mythologique – une promenade vaine ? "J’ai trop rêvé / Tu n’existais pas en vrai / Je t’ai trop rêvé". Parlons encore mythologie avec "Le colosse", "Titan dégénéré / Titan entêté… / Oubliant que ses talons d’Achille / Étaient faits d’argile". Un morceau eighties aux visions frappantes et qui fait également sens dans notre monde contemporain.
La grande surprise de l’album vient de la reprise du classique de Claude Nougaro, "Le cinéma"
La grande surprise du premier album de Muet, un duo formé de Colin Vincent (ex leader du groupe Volin) et de Maxime Rouayroux, vient de la reprise du classique de Claude Nougaro, "Le cinéma". Les musiciens et adaptateurs ont fait le choix de sons synthétiques et d’une rythmique urbaine. Cela donne un titre que l’on redécouvre, à la fois mystérieux, planant et lascif : "Sur l'écran noir de mes nuits blanches / Moi je me fais du cinéma / Sans pognon et sans caméra / Bardot peut partir en vacances / Ma vedette c'est toujours toi".
Le duo séduit par sa manière de rendre à cet album sombre de sublimes éclats de lumière, à l’instar du généreux "Devant" ("La foudre est tombée trop souvent / Sur ce chemin tu es partie devant / C’est l’exil qui te tend la main / Sauras-tu retrouver le chemin / Qui te ramènera / Chez toi ?") ou le subjuguant et – presque – instrumental "Thilda" ("Viens là / Thilda / Parle-moi").
Avec ce premier projet de Muet, on se dit que décidément le noir est une couleur, et même sans doute la plus belle de toutes.
Muet, Le Pic De Tout, Upton Park, 2023
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Voir aussi : "Charlotte Savary en invitée surprise de Batz"
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