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  • Lev Yachine, l’araignée dorée

    Amoureux d’Histoire et de foot, voilà un livre qui devrait vous interpeler. En proposant une biographie de Lev Yachine, sans doute le meilleur gardien de but de tous les temps, le seul goal à avoir gagné le Ballon d’Or (1963), Laurent Lasne fait mieux que dérouler la carrière d’un technicien hors-pair : il inscrit sa biographie dans la grande histoire de l’URSS.

    Le lecteur sera sans doute déconcerté par le choix audacieux de l’auteur de sortir de l’essai sportif classique et de faire, comme le titre de l’ouvrage l’indique, un "roman soviétique". L’objectif de Laurent Lasne est d’inscrire le destin du plus grand gardien de l’histoire dans celui du football russe, mais aussi , plus généralement, de son pays.

    Lev Yachine, un roman soviétique (éd. Le Tiers-Livre, Arbre bleu), s’intéresse d’abord à la famille ouvrière comme aux jeunes années d’un garçon qui a connu deux des plus grandes tragédies du XXe siècle : le communisme stalinien et la seconde guerre mondiale. Ce dernier événement contraindra d’ailleurs Yvan Petrovitch, son  père, à suivre le déménagement de son usine en Sibérie.  Ces premières années ne sont pas anodines dans la construction sportive de la future star du foot.

    "Star" n’est du reste pas le terme approprié, tant le futur cador des cages, né dans une culture ouvrière, se voit comme l’un des rouages de l’équipe nationale soviétique appelée aux plus importantes places et trophées (Médaille d’Or aux JO de 1956, Champion d’Europe et vice-champion d’Europe en 1960 et 1964 et 4e place à la coupe du monde de 1966). Lev Yachine, figure majeure du sport russe et même héros nationale dans son pays (aussi connu que Gagarine), est le représentant d’une politique à la fois sportive et politique que le poète Maïakovski a exprimé ainsi : "Nous avons besoin de masses de sportifs en action."

    Sa légendaire tenue noire, dont Fabien Barthez saura se souvenir bien plus tard !

    Laurent Lasne alterne l’histoire personnelle et familiale des Yachine et la grande histoire tournant autour de Staline, sans oublier celle des clubs de football naissants (le Spartak Moscou, le Torpedo, le Dynamo ou le Lokomotiv), qui vont être largement récupérés par la propagande communiste. On connaissait la conquête spatiale comme arme idéologique, mais le sport a lui aussi été un outil largement utilisé par des politiques parfois peu attirés par le foot, à l’instar de Staline. Tel n’est pas le cas du sinistre Béria, passionné de ballon rond. L’auteur consacre de passionnantes pages sur son investissement au sein du club de football du Dynamo Tbilissi qui le sert comme tremplin politique. D’autres pages sont consacrées au compositeur Chostakovitch, passionné lui aussi de football,* et qui voit le stade et le terrain comme des lieux d’expressions libres, comme il le dit lui-même : "Au stade, vous pouvez dire à voix haute la vérité  sur ce que vous voyez." Une hérésie dans cette dictature impitoyable qu'est l'URSS.

    Dans ce climat tendu, violent, où la fin des carrières signifie la déportation et la mort, Lev Yachine se découvre des qualités comme portier, après certes des débuts compliqués mais aussi des erreurs dues en grande partie, nous dit l’auteur, à des techniques révolutionnaires dans l’art d’arrêter la balle : jeu en dehors de la surface de réparation, relances rapides à la main et interceptions au poing. Ce n’est pas pour rien que Lev Yachine était surnommé "l’araignée noire", autant en raison de l’envergure de ses bras que de sa légendaire tenue noire, dont Fabien Barthez saura se souvenir bien plus tard !

    À la lecture de la biographie de Laurent Lasne, la figure de Lev Yachine reste épaissie d’un mystère, à l’image de cet homme pudique et pétri de doutes. D'ailleurs, longtemps, il hésita entre la carrière de hockeyeur et de footballeur.

    Les 100 dernières pages de l’essai sont consacrées à sa carrière internationale. C’est sans doute bien peu pour les passionnés de sport. Mais pour les autres, le livre de Laurent Lasne est une introduction passionnante à la vie du plus grand gardien du monde autant qu’un rappel des tourments de l’URSS.

    Laurent Lasne, Lev Yachine, Un Roman soviétique, éd. Le Tiers-Livre, Arbre bleu, 2020, 400 p.
    https://arbre-bleu-editions.com/yachine.html

    Voir aussi : "RIP URSS"

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  • Le retour de Madame Bowary

    Non, il n’y a pas de faute d’orthographe dans le titre de cette chronique : s’il est bien question de la plus célèbre "desperate housewive" de la littérature française, cette Madame Bovary a été imaginée par Julia Kerninon, docteure en lettres, spécialiste de littérature américaine et romancière (Buvard, 2014, Liv Maria, 2020).

    Le Projet Bowary, porté par Baraques Walden, et co-produit par Terres de Paroles et le Département de la Seine-Maritime, est une revisite du chef d’œuvre de Flaubert en 2021.

    Lancé le 29 janvier 2021 par Julia Kerninon, le roman Madame Bovary est réécrit et réduit chapitre par chapitre en 280 tweets, sur autant de jours (hashtag #BOWARY). Cette aventure littéraire – et effrontée – devrait s’achever si tout va bien à la fin de l’année. 

    Madame Bowary, c’est elle

    Madame Bowary, c’est elle. Mais pour l’accompagner dans ce projet, figurent, aux côtés de Julia Kerninon, Arno Bertina (pour les  chapitres 7 à 9 de la 1ère partie de Madame Bovary), Emmanuel Renart (chapitres 1 à 5 de la 2e partie), Laure Limongi (chapitres 6 à 8 de la 2e partie), Fabrice Chillet (chapitres 9 à 10 de la 2e partie), Agnès Maupré (chapitres 11 à 15 de la 2e partie), Frédéric Ciriez (chapitres 1 à 2 de la 3e partie), Fred Duval (chapitres 3 à 5 de la 3e partie), Maylis de Kerangal (chapitres 6 à 8 de la 3e partie) et Vincent Message (3 derniers de la 3e partie).

    Cette Madame Bowary commence ainsi : "Qui parle ? Entrée en scène de celui qui est peut-être le personnage secondaire le plus fascinant de toute la littérature occidentale. Charbovari Charbovari Charbovari Charbovari. Il n’est presque rien. Mais sans lui, pourtant, il ne pourrait pas y avoir de Madame Bovary." La suite de l’histoire, vous la connaissez sans doute.

    Il reste à voir ce que vont en faire les doux dingues du Projet Bowary

    Projet Bowary, initié par Julia Kerninon
    https://baraqueswalden.fr
    @BaraquesW
    https://www.facebook.com/BaraquesWalden

    Voir aussi : "Novella dans tous ses états"

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  • En cage

    The Keeper, film surprise de l’année 2018, sorti discrètement malgré un élogieux Hitchcock d’or du jury lors du dernier Festival de Dinard, a tout pour séduire un très large public.

    À la fois film historique, biopic sur une légende du foot mondial, love story et drame familial, cette coproduction anglaise et allemande suit la carrière du gardien Bert Trautmann, légende du football anglais à la carrière hors-norme.

    À la fin de la seconde guerre mondiale, le soldat Trautmann (le très bon David Kross) est fait prisonnier par les armées britanniques sur le front de l’Ouest à Clèves, en Allemagne. Le soldat de la Wermacht est envoyé en Angleterre comme prisonnier de guerre. Un peu par hasard, Trautmann intègre l’équipe de football du camp et tient les cages. L’entraîneur de l’équipe locale, Jack Friar (John Henshaw), remarque ses dispositions exceptionnelles et prend le risque d’intégrer le prisonnier allemand parmi les joueurs anglais. Pari gagné, tant le talent du jeune gardien est évident.  

    Une vraie curiosité à découvrir

    Cette nouvelle vie est marquée par la rencontre entre Bert et Margaret Friar (Freya Mavor), la fille du coach. Une idylle commence, sous la forme d’une histoire d’amour impossible. Bert Trautmann choisit de ne plus revenir en Allemagne, d’autant plus que l’équipe de Manchester City le réclame. L’ancien soldat de la Wermacht doit là encore se faire accepter.

    L’histoire du gardien Bert Trautmann est surtout connu des spécialistes du football. Considéré comme une légende et comme un joueur au talent exceptionnel, Marcus H. Rosenmüller propose à travers ce film la découverte d’un personnage hors-norme. L’histoire d’amour avec Margaret, qui deviendra par la suite sa femme, est le fil conducteur de ce biopic, qui n’élude pas pour autant des sujets plus graves : les responsabilités pendant la seconde guerre mondiale (la Croix de Fer qu’a reçu le jeune officier en est un des exemples, même si le film passe sous silence pas mal d’épisodes pendant la guerre), mais aussi la réconciliation et le pardon. Les fans de foot plongeront avec bonheur dans les quelques séquences replongeant dans le passé glorieux de Manchester City.

    The Keeper est une vraie curiosité à découvrir, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir la carrière de Bert Trautmann.    

    Je vous parlerai très prochainement d’un autre gardien emblématique de l’histoire du foot.

    The Keeper, biopic germano-britannique de Marcus H. Rosenmüller,
    avec David Kross et Freya Mavor, 2018, 119 mn

    https://www.canalplus.com/cinema/the-keeper/h/14601709_50002

    Voir aussi : "Une partie de football contre le djihadisme"

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  • Tout droit de reproduction interdit

    daniel fattore,roman,suisse,photocopieur,photocopieuse,religion,catholique,évêché,évêque,spg,romandFaisons un éclaircissement sur le titre du premier roman de Daniel Fattore, Tolle, lege ! (éd. Helice Helas). L’expression latine "Tolle, lege !" est tirée des Confessions de s. Augustin. Cette phrase, que l’on pourrait qualifier par "Prends et lis-le !" illustre la conversion du futur évêque d’Hippone. Obéissant à une voix, il se saisit d’un texte du Nouveau Testament et le lit. Ainsi commence cette conversion. Il n’est pourtant pas question de théologie dans l’ouvrage de Daniel Fattore, mais plutôt de photocopieuse récalcitrante.  Et de photocopieuse installée dans un obscur évêché. Ce lieu est bien le seule point commun avec s. Augustin.

    Paulo est un jeune stagiaire dont les rares fonctions tournent autour de cet appareil. Pétronille, sa sémillante collègue dont l’une des activités principales consiste à se faire les ongles de pieds, lui demande de s’occuper de copier une masse de papiers. Cette tâche des plus banales prend cependant des proportions inattendues : non seulement le photocopieur ne marche pas, mais il semble doué de vie. La machine aurait-elle une âme ?

    À partir d’un événement fantastique – un appareil de bureautique devenu fou – Daniel Fattore a bâti un récit à la fois surréaliste et bourré d’humour. Alliant les calembours (le Père Ricqlès, le Père Sonnel, le village de Sétouprédissy), les actions cocasses (le dialogue entre l’évêque et le Père Siffleur, la partie de Super Mario Goes Catho) et les turpitudes de Paulo dans un évêché poussiéreux et dont la seule concession à la modernité est cette photocopieuse diabolique.

    Même le mode d’emploi de la Xérox 69 est en latin !

    L’auteur suisse a visiblement pris un grand plaisir à nous plonger au cœur d’un microcosme dont même le mode d’emploi de la Xérox 69 (sic) est en latin ! La scène de mariage dans le local de reproduction est savoureux. On a justement là l’une des clés de ce roman jouant sans vergogne avec les symboles sexuels, les sous-entendus et les propos lourds de sens – et de frustrations. La relation entre Paulo et Pétronille va s’en trouver changée.

    Parfois insolent, mais toujours avec énormément d’esprit, Daniel Fattore propose avec Tolle, lege ! un roman rare et à l’univers diabolique. Alors, prenez et lisez. 

    Tolle, lege !  est en lice pour la sélection du Prix littéraire SPG 2021 du premier livre d'un auteur romand.

    Daniel Fattore, Tolle, lege !, éd. Helice Helas, 2020, 206 p.
    https://fattorius.blogspot.com

    Voir aussi : "Quatrième dimension"

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