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  • Tu n’as rien vu à Hiroshima

    La facture du chef d’œuvre  de Ryūsuke Hamaguchi, Drive My Car, peut surprendre : le générique n’arrive qu’au bout de 39 minutes. Entre temps, le cinéaste aura patiemment campé le personnage principal, Yūsuke Kafuku, metteur en scène et acteur marié à Oto, une scénariste bien installée comme lui. C’est donc une histoire d’amour a priori idyllique entre deux artistes parfaitement assortis. Lui connaît une réelle reconnaissance avec sa mise en scène d’En attendant Godot de Beckett ; elle semble s’épanouir à la télévision. Pourtant, Yūsuke expérimente une fin du monde à la fois invisible et indicible : après qu’on lui a détecté un glaucome, le metteur en scène découvre l’infidélité d’Otto. Peu de temps plus tard, le jour où elle s'apprête à lui révéler quelque chose, elle décède accidentellement. 

    C’est sur cette ruine personnelle que commence la lente et délicate reconstruction d’un homme, à la faveur d’une pièce de théâtre qu’une compagnie lui demande de créer dans la région d’Hiroshima – là encore le lieu choisi est loin d’être anodin, d’autant plus que l’on peut y voir une référence à Marguerite Duras et son Hiroshima mon amour. Pour ce travail de commande, une adaptation d’Oncle Vania de Tchekhov, on lui adjoint une chauffeuse chargée de conduire sa vieille Saab.  Yūsuke accepte de se laisser conduire, ce qui lui permet d’écouter la pièce sur son autoradio. Entre l’artiste et la conductrice, les relations sont d’abord distantes, pour ne pas dire polies et glaciales. 

    Une référence à Marguerite Duras et son Hiroshima mon amour

    On se laisse conduire par le drame intime de Ryūsuke Hamaguchi et par ses près de trois heures. La magie opère. Pour preuve, le film a été multi récompensé : prix du scénario à Cannes, Golden Globes du meilleur film étranger et des nominations aux Césars et aux Oscars.

    Pour justifier toute la valeur de ce drame intime traitant du deuil, de la reconstruction et de l’amour, sur fond de littérature et d’art, précisons que Drive My Car est une adaptation d’une nouvelle de Haruki Murakami (1Q84).

    Sur cette histoire de deuil – ou plutôt de deuils multiples – Ryūsuke Hamaguchi choisit la retenue, la sensibilité mais aussi les non-dits. Évidemment, l’environnement théâtral n’est pas un hasard : alors que le début du film montre Yūsuke en plein travail sur le chef d’œuvre de l’absurde qu’est En attendant Godot, c’est Tchekhov qui est au cœur de la partie centrale du film. Le choix de la mise en scène de Yūsuke est révélatrice : le mélange des langues (y compris le langage des signes) parle – si j’ose dire – d’universalité mais aussi d’incommunicabilité.

    Le spectateur est témoin tout au long du film de la distance, d’abord physique, entre la chauffeuse et son client. Le réalisateur utilise les allusions, les ellipses (par exemple la dernière séquence du long-métrage) et les regards pour évoquer la douleur d’un auteur reconnu et d’une femme issue d’un milieu populaire, que tout semble séparer. Lorsque les mots et les confidences surgissent, les révélations frappent, voire tétanisent.

    Voilà qui fait de Drive My Car un long-métrage bouleversant, choisissant l’intelligence, l’émotion mais aussi les références au théâtre, au cinéma et à la littérature. Bref, un très, très grand film.

    Drive My Car, drame japonais de Ryūsuke Hamaguchi, avec Hidetoshi Nishijima, Tōko Miura et Masaki Okada, 2021, 179 mn, Canal+
    https://dmc.bitters.co.jp
    http://diaphana.fr/film/drive-my-car
    https://www.canalplus.com/cinema/drive-my-car/h/16772431_40099

    Voir aussi : "Stupeur et tremblements"
    "1Q84 ou 1984 ?"

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  • Une nouvelle chance pour un Triomphe

    Donnant une nouvelle chance pour Un triomphe, cette comédie dramatique française qui, sans la présence de Kad Merad, aurait sans doute été aux abonnés totalement absents durant la période Covid, celle de sa sortie.

    Disons-le tout de suite : a priori, l’argument du film apparaît assez classique. Des reclus de la société, en l’occurrence des prisonniers, se voient proposer une chance de réinsertion grâce à un comédien qui leur propose de monter une pièce de théâtre. Retrouver la dignité grâce à l’art : une belle idée que le cinéma a déjà mis en scène, à l’instar des Virtuoses de 1996.
    Le spectateur va-t-il se trouver en terrain connu grâce un film certes généreux mais aussi sans réelle surprise ? C’est là où Emmanuel Courcol étonne son monde. 

    Un retournement inattendu

    Bien entendu, Kad Merad endosse avec le talent qu’on lui connaît le rôle d’Étienne Carboni, un artiste frustré, obligé de jouer les assistants sociales – croit-il – au lieu de s’adonner au seul métier qu’il aime : la scène. On apprend aussi que la plupart des acteurs qui jouent le rôle des prisonniers en réinsertion grâce au théâtre sont des amateurs.

    Le choix de la pièce choisie par Étienne Carboni n’est évidemment pas un hasard : En Attendant Godot de Samuel Beckett. Le choix de ce classique de la littérature contemporaine tombe à point nommé pour parler de l’absurdité du monde des prisonniers et leur attente en attendant la liberté chérie.

    Un Triomphe propose en guise de fin un retournement inattendu qui fini de braquer le projecteur sur l’acteur-formateur, avant de souligner que l’histoire a été inspiré par l’histoire authentique de Jan Jönson. Voilà qui donne un relief inattendu à cette excellente comédie.  

    Un triomphe, comédie dramatique française d’Emmanuel Courcol, avec Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissokho et Marina Hands, 2020, 106 mn
    https://www.canalplus.com/cinema/un-triomphe/h/15465400_40099

    Voir aussi : "Alex Lutz remet le service"

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