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Lilith Havesi : sa vie et ses deux morts
Lilith Havesi (1896-1924) a été le grand amour du narrateur de ce roman. En 1964, il est contacté par une mystérieuse journaliste afin de revenir sur la vie de cette femme hors du commun. Tel est le point de départ de ce roman.
Lilith, ou Eve Whiteland pour le grand public, a été une actrice du cinéma muet à la carrière brève mais éclatante. Après avoir tourné avec Michael Curtiz, Charlie Chaplin ou Victor Sjöström, elle abandonne les plateaux de tournage, mais aussi les États-Unis, pour rejoindre la Hongrie, son pays natal. Elle disparaît là-bas en novembre 1924, à l'âge de 28 ans.
Le Soir, Lilith de Philippe Pratx suit le destin de cette femme mystérieuse et que l'on devine, page après page, gagnée par la folie. Le choix de l'auteur est d'avoir monté son œuvre de fiction comme un puzzle, constituée de fragments de textes épars : récits du narrateur, extraits de carnets intimes, manchettes de journaux, lettres, notices biographiques ou synopsis de scénarios ; des scénarios tous imaginaires car, hormis l'apparition d'artistes tels que Douglas Fairbanks, Rudolf Valentino, Hilda Borgström ou Antonin Artaud, la vie de Lilith et sa carrière sont entièrement fictives.
De cette construction hétéroclite et labyrinthique, l'auteur parvient à faire surgir un fantôme du passé, une femme fascinante mais aussi inquiétante : "Ces pages sont les minutes passées à vouloir faire ressurgir Lilith, une vie, une toute petite vie, une vie sublime." C'est un narrateur passionné et lyrique qui revient et ressasse sur cette femme qu'il a aimée et qu'il aime toujours passionnément. Philippe Pratx a un talent exceptionnel dans cette capacité à offrir des pages oniriques et de grands morceaux de poésie : "Le ciel bientôt s'obscurcit, une chaleur de plomb écrase la forêt et porte à ébullition même la sève primitive des arbres."
Un long et intéressant chapitre sur Erzsébet Bathory, la tueuse en série légendaire aux 650 victimes, ouvre la dernière partie du roman, sans conteste la plus passionnante. À partir de là, Le Soir, Lilith devient un polar au dénouement inattendu et empreint de gothique. Rappelons que "Lilith" – "démon femelle" – serait, d'après la tradition hébraïque, la première femme d'Adam.
Le lecteur peut être dérouté par un tel roman. Il n'en pas moins vrai que l'on peut reconnaître à Philippe Pratx son style exigeant comme son travail de documentation. Car Le Soir, Lilith a beau être un beau livre sur le thème de la mémoire, du souvenir et des regrets, il est aussi un magnifique hommage au Hollywood du cinéma muet.
Pour aller plus loin dans la lecture du roman, l'auteur offre un très bon site Internet : http://www.indereunion.net/Lilith. Biographie de Lilith , affiches, montages sonores ou extraits du livre permettent de rendre plus palpable encore l'existence de cette actrice hors du commun – et imaginaire.
Un remarquable travail !
Philippe Pratx, Le Soir, Lilith, éd. L'Harmattan, 220 p.
http://www.indereunion.net/Lilith
Lilith, sur Youtube