Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le retour de la femme mimosa

2017 est décidément l’année "Barbara" : les 20 ans de sa mort, un concert et album hommage de Gérard Depardieu en début d’année, un biopic avec Jeanne Balibar et, ce mois-ci, la sortie d’un enregistrement inédit de la longue dame brune, Lily Passion.

Inédit ? Lily Passion n’est pourtant pas inconnue. En 1986, Barbara jouait sur scène avec Gérard Depardieu un spectacle musical d’un autre genre que la chanteuse avait composé avec la collaboration de Luc Plamandon et de son fidèle accompagnateur Roland Romanelli. En 1985, elle avait enregistré une version studio qui disparut de la circulation et qu’elle rechercha jusqu’à sa mort, en vain. En 2013, soit cinq ans après son décès, dans le cadre d’un travail de remasterisation de ses archives, la firme Universal tomba sur de précieuses bandes mal étiquetées : le Lily Passion studio de 1985. Les pistes nécessitaient un important et minutieux travail de montage mais l’essentiel était là : la version studio du spectacle musical de Barbara, capital dans sa vie et dans sa carrière, pouvait voir le jour.

Lily Passion conte l’histoire d’une musicienne poursuivie par un assassin blond, tuant à chacun de ses concerts, avant de laisser un brin de mimosa en guise de signature. Lily Passion c’est aussi l’aventure d’un couple maudit et ténébreux, dans lequel amour et mort se cofondent dans une série de danses infernales : "Pourtant cet assassin m’obsède / J’ai peur / Cet assassin me suit / Qu’il me suive ou qu’il me précède / Il tue / Je chante, je chante / Il tue" (Cet Assassin).

Aux récitatifs et envolées lyriques de Gérard Depardieu dans le Lily Passion de 1986 vient répondre un album soigné qui n’a certes pas la fièvre de la captation publique de 1986, mais qui propose une série de chansons abouties. Exceptionnellement abouties.

Les connaisseurs et fans de la longue dame brune remarqueront l’absence de plusieurs titres par rapport à la version de 1986 : Berlin, David Song, Campadile, Mémoire, mémoire et, symptomatiquement, Ma plus belle Histoire d’Amour. Par ailleurs, le récitatif autobiographique Ô mes Théâtres a droit à une une version resserrée et à l’état d’ébauche – 0,51 contre 5:50 pour la captation publique.

On saluera la cohérence d’un album studio aux joyaux inoubliables et aux orchestrations soignées, avec Jannick Top à la basse, Richard Daguerre au piano mais aussi Richard Galliano à l’accordéon. La voix de Barbara est là, intacte et inspirée, pour "cette chanson plus longue que les autres."

L’auditeur pourra trouver dans plusieurs morceaux de cette version studio (Lily Passion, Emmène-moi) la touche musicale des années 80, lorsque la vague des synthétiseurs balayait tout sur son passage. Pour être juste, il convient de préciser que l’écriture de Lily Passion au début de cette décennie correspond à un virage dans la carrière de Barbara. La chanteuse se fond dans son époque et dans la modernité, en même temps qu’elle se consacre corps et âmes à son public au cours de concerts devenus de véritables messes autour d’une artiste vénérée par ses fans. La double de la chanteuse le dit ainsi dans le titre Lily Passion : "J'entends la foule qui crie mon nom / Lily Passion, Lily Passion / Et j'entre dans la fosse aux lions / Pour m'offrir en immolation."

Dans Lily Passion, d’autres titres ont une facture plus classique et plus acoustique : cordes, piano, ou bandonéon (Je viens, Bizarre, Tango indigo). Cet album studio, sorti vingt ans après sa mort, nous montre une Barbara fidèle à elle-même : sensible, mélodiste hors-pair, parolière inimitable et transportée par une histoire d’amour et de mort. Gérard Depardieu n’est pas de cet album studio, bien qu’il apparaisse en creux tout au long de Lily Passion : "P’tit voleur / Grand seigneur / Ils tireront / Ils t’auront / Ils diront qu’t’avait tort / C’est toi qu’a tiré d’abord" (Tire pas).

Barbara étonne et séduit particulièrement dans Bizarre. La chanteuse se fait jazzwoman dans un titre cinématographique et mélancolique : "Il fait bizarre / Sur la ville / Trottoirs-miroirs / Sur la ville. / Des ombres lézards / Se faufilent / Et se glissent, agiles / Dans le brouillard / Indélébile."

On sera moins étonné par le morceau le plus connu de Lily Passion, L’Île aux Mimosas, onirique, passionné et apaisé : "Et si tu m'avais cherchée, / De soir en soir, de bar en bar, / Imagine que tu m'aies trouvée, / Et qu'il ne soit pas trop tard, / Pour le temps qu'il me reste à vivre, / J'amarrerais mon piano ivre, / Pour pouvoir vivre avec toi, / Sur ton île aux mimosas."

L’auditeur est happé par un des trésors de cet album : Tango Indigo. Barbara prend à bras le corps un titre virevoltant où se mêlent la passion, le jeu, la danse, la mort et la fin du monde : "On est comme deux évadés / Qui ne croient pas ce qui est arrivé / Après, je ne sais plus les paroles / Mais je vais t'en dire de plus folles / C'est l'histoire d'un assassin blond / Qui rencontre Lily-Passion." Tango Indigo se révlèle comme le titre le plus envoûtant et irrésistible de la femme mimosa, se livrant à corps perdu dans un album déjà légendaire et sorti de l’oubli par miracle.

Barbara, Lily Passion, Mercury, Universal, 2017
"Barbara et Depardieu par Depardieu"
"Barbara et lettres et dessins inédits", Télérama, 7-13 octobre 2017
Hors-série Barbara, Marianne, octobre 2017
http://www.barbara-lesite.com

Les commentaires sont fermés.