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Habibi, mon amour

Attention, chef d'œuvre ! Habibi de Craig Thompson est à placer dans le panthéon des très grandes bandes dessinées qui vont marquer durablement le 9ème art. Ce livre d'une richesse incomparable a été salué comme l'un des meilleurs romans graphiques de ces dix dernières années. 

Il est difficile de résumer cette œuvre monumentale (plus de 670 pages), piochant ses références dans les Contes des Mille et une Nuits, les textes sacrés du Coran et de la Bible, mêlant modernité et traditions, sacré et érotisme, amour et violence, récit prosaïque et réflexions sur le symbolisme, le tout servi par un scénario passionnant et un graphisme élégant, poétique et bourré de trouvailles visuelles.   

Habibi ("Mon amour") c'est Zam, jeune esclave noir que recueille Dodola, elle aussi esclave, vendue par son père dès son plus jeune âge pour être mariée, avant d'être enlevée. Sur un marché aux esclaves, la jeune fille prend sous sa protection Zam, un bébé abandonné et l'élève comme un petit frère. Les deux enfants parviennent à s'enfuir dans le désert jusqu'à un navire abandonné (sic) qui leur sert de refuge. Au bout de plusieurs années de cette vie libre mais dure, fusionnelle et rythmée par des histoires que lui raconte Dodola, le couple est séparé. Celle dont la beauté est devenue légendaire est enlevée une nouvelle fois et devient la courtisane préférée d'un sultan. Elle n'a cependant pas oublié cet enfant qu'elle a élevé. Habibi, resté seul, part à sa recherche. Ses pas le mènent jusqu'au palais du sultan ...

Vous aurez compris que l'amour est au centre de cette histoire digne des meilleurs contes orientaux. Cette fresque romanesque offre des résonances multiples et complexes : les personnages mythiques ou historiques sont au service de messages universels et modernes : ainsi, dans Habibi, Noé devient un truculent pêcheur de poissons – morts ! – recueillant dans son habitation sordide les éclopés et les rejetés d'une ville rongée par la pollution et la pauvreté. Le lecteur peut être déstabilisé par le choix d'entremêler passé et présent dans cette œuvre foisonnante : Zam et Dodola sont ballottés au milieu de personnages qui ne dépareilleraient pas dans les Contes des Mille et une Nuits – satrapes cruels et capricieux, marchands d'esclaves sans foi ni loi, bourreaux impitoyables, eunuques ou courtisanes – mais se débattent aussi dans un présent plus familier – cités contaminés, usines gigantesques, véhicules motorisés... 

Le lecteur a beau être désarçonné, la magie opère : Habibi et Dodola prennent vie, devenant un des couples les plus poignants de l'histoire de la bande dessinée. Un chef d'œuvre ambitieux, éblouissant et inoubliable. 

Craig Thompson, Habibi, Casterman, 671 p.

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