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adoption

  • Spartacus, mon frère

    Le documentaire coup de poing Spartacus et Cassandra a reçu un joli accueil critique et public (Louve d’Or au FNC Montréal 2014, Prix du Jury FIPRESCI au DOK Leipzig 2014 ou Grand Prix Ciné-Junior 2015).

    Les personnages principaux de cette réalisation française de Ioanis Nuguet sont deux gamins roms de 12 et 11 ans, Spartacus et Cassandra, recueillis par une jeune directrice de cirque, Camille. Le spectateur apprend dès le début du film que leurs parents, en rupture de ban, désociabilisés et ne parlant pas le français, sont sur le point d'être dessaisis de leurs enfants par la justice.

    Expulsés de ce cirque où ils avaient trouvé refuge, les deux adultes sont renvoyés à la rue, avec son cortège de violence, d'alcoolisme, de mendicité et d'indigence. Le film suit le parcours du sauvetage des deux enfants par une jeune femme, véritable Mère Courage. Cette dernière est bien décidée à donner une nouvelle chance aux gamins qui ont, jusqu'alors, vécu dans la rue. Cette résurrection passera par l'école, l'apprentissage d'un début de discipline, le déracinement hors d'un quartier misérable du 93 pour la vie à la campagne mais aussi et surtout par l'arrachement aux parents. 

    On ressort de ce film sonné. La plongée dans la misère contemporaine est terrible tout comme est cruelle cette manière dont les parents de Spartacus et Cassandra sont filmés alors qu'ils vont perdre leurs droits parentaux.

    Tout l'art du réalisateur est de s'intéresser aux plus misérables des misérables, à ces oubliés de la société. La caméra filme au plus près la détresse, sans fard, comme les malheurs les plus terribles, la séparation parents-enfants n'étant pas le moindre.

    Il y a également ses moments magiques, presque lyriques : la découverte d'une vie à la campagne, un véritable éden sur terre ; ces moments de solidarité au collège lorsque des gamines aident Spartacus à faire un devoir ; cette découverte du travail dans les champs ("je veux être paysan") ; cette maison bringuebalante mais devenue à force de travaux un havre de paix, sans oublier l'opiniâtreté et le courage de Camille, prenant les deux enfants perdus sous ses ailes afin de les remettre sur les rails.

    Et puis, il y a cet amour fraternel entre Spartacus et Cassandra, bouleversant comme un grand moment de cinéma. 

    Spartacus & Cassandra, documentaire de Ioanis Nuguet
    avec Cassandra Dumitru et Spartacus Ursu, France, 2015, 80 mn 

  • Une vie toute neuve

    À Séoul, en 1975, Jinhee (Kim Saeron), 9 ans, se laisse entraînée en toute confiance par son père (Sol Kyung-gu) dans une grande et agréable balade. Robe neuve, gâteau, repas au restaurant : rien ne manque à cette journée idyllique. L’objectif de cette promenade est en réalité un orphelinat catholique où Jinhee est abandonnée par son père afin de lui donner la chance d’une nouvelle vie. Puis, ce dernier disparaît ; il ne reviendra plus.   

    Pour Jinhee, à l’incompréhension et à la certitude que tout cela ne peut être vrai ("Mon père est un menteur !" lance-t-elle au cours du film) succède la terrible réalité de son abandon mais aussi l’espoir qu’une adoption lui apportera de nouveaux parents et "une vie toute neuve". Une vie toute neuve qui vaut aussi pour ce père méprisé : dans la Corée du Sud traditionnelle des années 70, le divorce est si mal considéré que se remarier nécessitait de faire table rase de son passé, même au prix de l’abandon du ou des enfants d’un premier mariage.

    Là où des films comme Holy Lola de Bertrand Tavernier s’attachaient à suivre le parcours de parents adoptants, Une Vie toute neuve suit le quotidien sombre d’une enfant traumatisée par son abandon et  dans l’attente d’être accueillie par des adultes.    

    La séparation est la clé de voûte de cette fiction : séparation avec le père, bien sûr, mais aussi séparation de deux amies, séparation de l’orphelinat puis déracinement lors de son arrivée à Paris. Le film se clôt d’ailleurs sans que le spectateur n’assiste à la rencontre entre la fillette et ses nouveaux parents. Ce choix, certes critiquable, met le film à l’abri d’un pathos prévisible et inutile. 

    Ayant connu elle-même l’adoption durant son enfance, Ounie Lecomte signe ce premier long-métrage en partie autobiographique d’une très grande qualité. La grande originalité de cette œuvre très personnelle est que la caméra se met à la hauteur des yeux de Jinhee. On peut saluer la réalisatrice qui, non seulement évite le sentimentalisme mais porte en plus un regard plein de compassion sur la petite Coréenne, admirablement interprétée par Kim Saeron.    

    Ounie Lecomte, Une Vie toute neuve, 90 mn, 2010