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Chaplin, le vagabond magnifique

Une canne, un chapeau melon trop petit, un pantalon trop large, une veste très cintrée, des chaussures de plusieurs tailles plus grandes et une petite moustache pour vieillir Chaplin jugée trop jeune à l’époque où il est engagé pour son premier rôle au cinéma – nous sommes en 1913 et il n’a pas 25 ans : le vagabond est né. Il n’a pas de nom mais en France il s’appellera Charlot. Un personnage né en quelques minutes, "mais il vient de loin en réalité", commente Mathieu Almaric dans l’excellent documentaire de près de 2H30 consacré à Charlie Chaplin.

France 3 proposait ce mercredi en prime-time Charlie Chaplin, le génie de la liberté, l'excellent film d’Yves Jeuland. Puisque France Télévision a la fâcheuse habitude de restreindre ses programmes en replay à 8 jours après leur diffusion en direct, il ne vous reste qu’une semaine pour le découvrir. Autre regret : que les extraits des films ne soient ni doublés ni sous-titrés.

2H30 : c’est à la fois long pour un documentaire et court pour retracer une carrière exceptionnelle commencée très tôt, à Londres, puisque le jeune Charles Spencer Chaplin, né en 1889, a brûlé les planches dès son plus jeune âge. Une vraie enfance à la Dickens : un père alcoolique les ayant abandonné, une mère courage enfermée épisodiquement dans un asile après une carrière de comédienne pantomime. Cette dernière, nous apprend le documentaire, élevait ses enfants de telle manière qu’ils agissent comme des aristocrates distingués, ce qui sera l'une des caractéristiques de Charlot. C’est à sa mère et à son enfance anglaise que Chaplin doit de nombreuses inspirations, et en premier lieu son fameux personnage, vagabond apatride, digne et humain, qui est aussi un hommage à un clochard londonien élégant qu’il imitait enfant pour faire rire sa mère.

Voilà qui rappelle aussi The Kid (1921), son premier long-métrage, qui est aussi le plus personnel. C’est d’ailleurs de ce film que traite en ouverture le documentaire d’Yves Jeuland : le Charlot gagman génial et parfois féroce se transforme grâce à ce film en chevalier désargenté et généreux, recueillant un gamin qui avait son âge lorsque sa mère fut internée et qu’il dut se débrouiller seul.

Pas tout à fait seul, cependant. Son frère Spencer lui permet, malgré son jeune âge, de rejoindre une troupe de spectacles, celle de Fred Karno. Il y fait se ses premières armes, se fait remarquer par son génie comique et conçoit des postures qui lui vont lui servir des années plus tard, à l’instar des virages à cloche-pied et à angle droit, une des habitudes de Charlot. Il rencontre aussi un certain Arthur Stanley Jeffersson, sa doublure et qui deviendra plus tard Stan Laurel.

Une tournée aux États-Unis lui permet d’être remarqué puis recruté en 1913 pour jouer dans un de ces innombrables films dans lequel apparaît le personnage de Charlot.

Au bout de deux ans, Chaplin devient "l’homme le plus célèbre au monde". Le documentaire parle de 12 millions de spectateurs par jour. "La folie Chaplin" se mesure en nombre de livres, de BD, de chansons, de dessins animés, de produits dérivés mais aussi de (mauvais) plagiats – y compris féminins ! – et de (pathétiques) imitations. Et pourtant, il n’a que 27 ans et n’a tourné aucun long-métrage.

La perfection guide son travail de comédie, menée à l’excellence. Tout est chronométré dans les gags et ses histoires rappellent son passé fait de privations, de violences, de faim et d’humiliations. L’Émigrant, est-il dit, est son film préféré de l’époque.

"L’homme le plus célèbre au monde"

Après la création en 1919 de la compagnie United Artists avec Mary Pickford – "la petite fiancée de l’Amérique" –, Douglas Fairbanks (son véritable ami) et D. W. Griffith, Chaplin se lance sans ses grands longs-métrages : La ruée vers l’or (1925), Le cirque (1928), un de ses grands chefs d’œuvre et Les Lumières de la ville. Ce film de 1931 sort alors que le cinéma parlant commence à tout écraser. En plein crépuscule du muet, Chaplin créé un film toujours muet, avec une ouverture sonore mais sans parole (1931), avec la scène finale sans doute la plus bouleversante de l’histoire du cinéma. C’est un de ses grands triomphes, qui finit de lui apporter la gloire. En contrepoint à ce succès, le documentaire ne passe pas sous silence des histoires de mœurs dans l’Amérique puritaine : une liaison avec Lita Grey, mineure à l’époque, et qui se conclue par un mariage arrangé.  

Après un voyage en Europe et en Asie digne d’un chef d’État, il s’attaque à un autre de ses grands films : Les Temps modernes, tourné et sorti en pleine Dépression (1936). Il a engagé, comme partenaire aux côtés de Charlot, Paulette Goddard avec qui il s’est marié en toute intimité. Pour la première fois, la voix de Charlot se fait entendre, mais en musique uniquement, et dans une langue inventée – un nouveau pied de nez à l’industrie du cinéma parlant, auquel le réalisateur n'adhèrera jamais complètement.

Suivra Le Dictateur (1940), une comédie engagée, enragée et irrésistible contre Adolf Hitler. Les deux hommes sont nés la même année, le même mois, la même semaine, rappelle le documentaire. Chaplin faisait remarquer que le dictateur allemand a adopté la même petite moustache de Charlot : "Charlie joue deux rôles : le requin et le petit poisson… Le dictateur et le coiffeur, mais surtout Hitler et Chaplin. Pastiche et postiche . Un duel au sommet entre les deux personnages les plus connus du monde. L’homme qui fait rire face à l’homme qui fait peur." Chaplin a écrit ceci à propos de ce nouveau chef-d’œuvre : "Le dictateur est mon premier film dans lequel l’historie est plus grande que mon petit vagabond". Le premier film antinazi de l’histoire du cinéma, un triomphe public et un événement majeur, est paradoxalement le chant du cygne d’un artiste au sujet duquel les critiques américaines ne sont pas tendres : antimilitariste, Chaplin est jugé comme "sentimentaliste", "déplacé" et même "marxiste" !

La dernière partie du documentaire traite de la partie la plus sombre de celui qui figure parmi les 5 plus grands cinéastes de l’histoire.

Le FBI le place sous écoute en raison de ses sympathies communistes. L’affaire Barry, du nom de Joan Barry une jeune actrice qui le fait chanter après une aventure malheureuse, jette en pâture un Charlie Chaplin écœuré. Son film suivant,  la comédie meurtrière Monsieur Verdoux (1947) - cette fois sans Charlot – n’a plus l’éclat des films précédents.  

Une tournée européenne en 1952 pour la promotion de son long-métrage Les Feux de la rampe l’éloigne pour le bon des États-Unis. Son visa américain ayant été révoqué, Chaplin décide de ne plus y revenir.

Il termine les 25 dernières années de sa vie en Suisse, continuant de travailler sans relâche sur sa musique, sur ses mémoires mais aussi sur ses derniers films, Un roi à New York (1954) et  La Comtesse de Hong-Kong (1967).

Le film se termine sur le dernier hommage que lui a finalement rendu l’Amérique à la faveur d’une récompense aux Oscars en 1972, 5 ans seulement avant son décès. A 83 ans, on lui accorde un visa de 10 jours, le temps de son voyage aux États-Unis : "C’est bien. Ils ont encore peur de moi" commente, sarcastique, Charlie Chaplin. Le soir où l’oscar lui est remis, l’enthousiasme de la salle le bouleverse. Dans le public, il y a Jackie Coogan, l’acteur qui jouait le gamin du Kid, le petit vagabond auquel il s'est tellement identifié.

Yves Jeuland, Charlie Chaplin, le génie de la liberté, documentaire français, 146 min, France 3
https://www.france.tv/documentaires/art-culture
https://www.charliechaplin.com

Voir aussi : "The Kid" mis à l’honneur par La Poste"

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