Il me manque quelqu’un près de moi (04/01/2023)

Il y a ces films qui vous laissent muets d’admiration autant que de sidération. L’Été l’éternité d’Émilie Aussel, sorti l’an dernier et visible en ce moment sur Ciné+, en fait partie. Disons-le : ce long-métrage, dont on a finalement assez peu parlé, est un petit miracle en soi autant qu’un joyau, qu’il faut déguster et re-regarder pour en apprécier toute la subtilité.

Le récit commence par les vacances au bord de la mer de jeunes gens, tout juste bacheliers, avec ses corollaires : l’insouciance, les amourettes, les fêtes, les conversations entre garçons et filles. Tout cela fait très rohmérien. Rien de nouveau sous le soleil, oserions-nous dire.

Sauf qu’un événement s’abat sur le groupe d’ami·e·s. Lors d’une dernière baignade, un soir, l’insouciante et fraîche Lola (Marcia Guedj-Feugeas) se noie. La vie se fracasse soudainement et le groupe d'amis est terrassé. La meilleure amie de Lola, Lise (l’exceptionnelle Agathe Talrich) se retrouve, comme ses camarades, désemparée et en proie à une indicible douleur.

L’été est toujours là, le soleil et la mer aussi, mais la mort cruelle et injuste vient rappeler qu’elle peut frapper n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. "Y a que les murs qui restent", constate Marlon (joué par le formidable Idir Azougli), à la fois brut, insaisissable et bouleversant. Lise traîne son désarroi. Comment vivre après ce drame et pourquoi vivre ? Un soir, elle quitte ses amis, effondrés comme elle, et croise un trio d’amis et artistes, en vacances en comme elle. 

Film miraculeux, bouleversant adresse à une jeune fille morte, ode à la jeunesse et à sa fragilité

Une grande claque ! L’Été l’éternité est le premier long-métrage d’une réalisatrice dont il va falloir absolument suivre le parcours. On lui devait auparavant Ta Bouche Mon Paradis (2016), Petite Blonde (2013) et Do You Believe in Rapture (2013), des courts-métrages traitant eux aussi de l’adolescence, du sud mais aussi de rencontres sur la plage (Petite Blonde).

Pour L’Été l’éternité, la réalisatrice laisse vite de côté les amours de vacances, les réflexions légères sur les relations garçons-filles, les flirts, Tinder et les fêtes arrosées à la bière et au rosé pour inscrire son film dans une trame sombre où plaisir et souffrance, vie et mort, désespoir et espoir s’entrecroisent et s'affrontent.

Après le drame de Lola, le temps se suspend. Le film adolescent prend des allures de fable métaphysique, avec des choix esthétiques forts comme l’absence d’artefacts modernes – téléphones, ordinateurs et même voitures. Si la technologie apparaît à partir de la seconde moitié du film c’est au service de l’art, salvateur, qu’il soit vidéo, poétique, musical ou chorégraphique.

Mettre la jeunesse insouciante en tête-à-tête avec la mort : voilà ce qui guide la réalisatrice. "Quand on est jeunes, on croit qu’on est invincible, qu’on est immortel et que ça durera toujours… Moi je voulais que ça dure toujours", dit, face caméra, un des protagonistes effondré et démuni. Sans pathos, avec une retenue digne, Émilie Aussel filme le chagrin, la consolation impossible et une morte toujours présente.

Lise entame un parcours salvateur pour accepter la mort de Lola et vivre avec, après être passée par des phases successives, l’incompréhension, l’inacceptation, la culpabilisation et le désespoir.  Et si l’apaisement passait par les autres mais aussi par l’art ?

Film miraculeux, adresse à une jeune fille morte, ode à la jeunesse et à sa fragilité, L’Été l’éternité est surtout un joyau bouleversant dont plusieurs scènes et dialogues resteront gravés longtemps dans les mémoires, à l’instar de cette phrase de Rita pour Lise, à la toute fin du film : "Il manque quelqu’un".

L’Été l’éternité, drame français d’Émilie Aussel, avec Agathe Talrich, Marcia Guedj-Feugeas,
Matthieu Lucci, Idir Azougli, Nina Villanova, Antonin Totot,
Rose Timbert et Louis Pluton, 2021 75 mn, Ciné+

https://www.canalplus.com/cinema/l-ete-l-eternite/h/19150...
https://cineuropa.org/fr/video/408117
https://www.unifrance.org/film/49836/l-ete-l-eternite
https://shellacfilms.com/films/lete-leternite
http://emilie.aussel.free.fr

Voir aussi : "Corpus delicti"

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00:00 Écrit par Bruno Chiron | Tags : été, deuil, vacances, film, long-métrage, cinéma, marseille, emilie aussel, adolescence, adolescente, agathe talrich, marcia guedj-feugeas, matthieu lucci, idir azougli, nina villanova, antonin totot, rose timbert, louis pluton, l'été l'éternité | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |