La conversion de Michel Houellebecq (16/06/2015)

Chaque nouvelle sortie d'un livre de Michel Houellebecq est un événement. Son dernier roman paru, Soumission, n'échappe à la règle. Nous pourrions même ajouter : surtout son dernier roman ! Le plus célèbre écrivain français contemporain signe dans ce livre choc un récit d'anticipation qui a fait réagir bien au-delà de nos frontières.

Michel Houellebecq décrit dans cet ouvrage une France des années 2022 choisissant d'élire à la Présidence de la République Mohammed Ben Abbes, un homme politique de confession musulmane, afin d'échapper au désastre annoncé d'un chef d'État d'extrême-droite. Marine Le Pen battue au deuxième tour, les partis traditionnels laminés, le pays de Molière se convertit à un homme politique malin, séduisant et ambitieux. Après deux septennats de François Hollande, la France se convertit (dans tous les sens du terme) à un politicien alliant l'ambition, l'autorité et le sens de la concorde (le premier ministre n'est ni plus ni moins que... François Bayrou).

Le lecteur comme le narrateur – un certain François, professeur à la Sorbonne aussi désabusé que fin observateur des changements en cours – assistent, interloqués, à la lente mais diablement efficace révolution islamique. Contre toute attente, en quelques années la France retrouve sa stature mondiale alors même que la société se transforme, pour le meilleur et pour le pire : élites islamisées, femmes contraintes au voile et à la vie domestique, rapprochements avec les autres nations musulmanes, etc. François, spécialiste de l'écrivain catholique et décadent Joris-Karl Huysmans, doit se poser la question de son positionnement dans une société devenue théocratique.

On retrouve dans ce roman de Michel Houellebecq ce qui fait la force et le caractère d'un écrivain, catalogué à tort ou à raison comme un écrivain "post-moderne catholique" : humour grinçant, provocation et goût pour l'anticipation. La sortie de Soumission (qui devait s'appeler à l'origine Conversion) était annoncée avec un goût de souffre ; or, l'auteur des Particules élémentaires et d'Extension du Domaine de la Lutte s'avère bien moins acide que pour ses ouvrages précédents, sauf lorsqu'il s'agit de son narrateur (Michel Houellebcq lui-même ?). Il est décrit comme un homme paumé, dépressif et désabusé qui trouvera d'ailleurs son salut dans la religion.

Houellebecq soulève d'ailleurs des questions qui prolongent son œuvre : l'identité (nationale et personnelle), l'avenir de l'Occident et une certaine image de la décadence, à l'image de Huysmans dont l'omniprésence n'est évidemment pas fortuite. 

Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015

00:00 Écrit par Bruno Chiron | Tags : houellebecq, coran, roman | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |